« Réarmement démographique » : Deux mois après la polémique, quels enjeux ?
Le 16 Janvier, il y a deux mois, Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse, durant laquelle il a annoncé de nombreuses mesures, dont une grande partie sur l’éducation, mais a aussi prononcé une phrase qui n’est pas passée inaperçue : «Et je parle là d’une forme de tabou du siècle, mais les mœurs changent, on fait des enfants de plus en plus tard. L’infertilité masculine, comme féminine, a beaucoup progressé ces dernières années et fait souffrir beaucoup de couples. Un grand plan de lutte contre ce fléau sera engagé pour permettre justement ce réarmement démographique. » . Le terme « réarmement démographique » a fait particulièrement réagir, notamment les féministes et à gauche :
- La présidente de la fédération nationale des CIDFF : « La mise en place de politiques natalistes, profondément contraires à l’autonomie des femmes, constitue une régression politique et sociale préoccupante »
- Sandrine Rousseau : « les utérus des femmes ne sont pas une affaire d’État »
- Le collectif Nous toutes toujours dans la modération : « « Un président qui veut mettre nos ventres au service de l’État ? Avant-hier, E. Macron a dit qu’il voulait « permettre un réarmement démographique » du pays. Un homme cisgenre de 46 ans sans enfants qui vient nous donner des leçons sur la façon dont on doit utiliser nos utérus… »
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Président de la République nous a comment démontré sa finesse légendaire et surtout sa capacité à réfléchir avant de parler, 1 mois après avoir déjà déclenché une polémique sur l’affaire Depardieu, en cherchant à nouveau à jouer les provocateurs. Comme si celui qui n’a eu cesse de répudier le conservatisme cherchait à maintenir à jouer le réactionnaire de service : il faudrait que quelqu’un lui dise qu’il le fait très mal ! Néanmoins, la réaction de certaines féministes à imaginer un scénario à la handmaid’s tale est aussi complètement exubérant, d’autant plus qu’une partie de la citation parle de la hausse de l’infertilité, qui est due à différentes raisons, entre-autres écologiques. Néanmoins les mots ont un sens et ceux qui on ont été choisis par Emmanuel Macron donnent clairement du grain à moudre aux extrémistes. Dans un contexte où les questions de natalité et de démographie refont parler d’elles, il est temps de revenir sur cette polémique.
Maintenant, il y a un fait, c’est la baisse claire du nombre de naissances en France, comme le démontre ce graphique :
Et une question à cela : que faire et surtout quels enjeux ?
La baisse du nombre d’enfants
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Nous sommes donc à un nombre d’enfants par ménages en France, qui n’a jamais été aussi faible : 1,68 enfants par ménage en 2023, c’était 1,80 en 2022. Cette baisse du nombre de naissances a des conséquences particulièrement économiques : globalement, une baisse programmée de la main d’œuvre en France donc une baisse des rentrées en cotisations salariales et donc un déficit en hausse du système de retraite. Dans le même temps, cela a des effets positifs, comme une réduction du nombre d’enfants scolarisés, ce qui sur le long terme pourrait produire une réduction du nombre d’élèves par classe, ce que réclament les enseignants depuis longtemps cela dit.
La conséquence majeure néanmoins que cela entraine, c’est sur le système de retraite, le cumul à la fois, de la baisse de la natalité et de la hausse de l’espérance de vie en France. En 2020, c’était 1,7 actifs pour 1 retraité, en 2050, selon la revue retraite et société, ce sera 0,6 cotisant pour un retraité. En comparaison, en 1960, c’était 4,7 actifs pour 1 retraité. Cela pose éminemment des questions sur la manière de financer les retraites et montre surtout une seule chose, que nous savions déjà : la gauche ne sait pas compter !
Il est fort étonnant que ceux qui sautent sur leurs chaises en entendant parler de politique de natalité aient aussi été les plus virulents opposants à la réforme des retraites : il faudra qu’ils expliquent comment ils comptent combler de manière pérenne le déficit financier du système de retraites.
Néanmoins, le problème est là, et même si un rebond démographique spectaculaire devait être observé en 2024, nous aurons un problème à moyen terme pour financer les retraites, puisque la baisse du nombre de naissances est linéaire comme le montre ce graphique et qu’en cas de pic de naissance, il sera sans doute difficile de faire travailler des enfants dès leur naissance ! Conclusion donc : un allongement de l’âge de départ à la retraite est inévitable !
Se pose néanmoins la question de la mise en place d’une politique familiale plus ambitieuse. Nous l’avons compris déjà, c’est une solution de très long terme. Ce qui signifie que quand le RN propose en contre réforme des retraites, de ne pas toucher à l’âge de départ mais de miser seulement sur une politique nataliste : c’est du vent !
L’écart entre le taux de fécondité et le nombre d’enfants désirés
En revanche, il y a un fait, peut-être qu’Emmanuel Macron aurait dû commencer par là, c’est l’écart entre le nombre d’enfants par ménage et le nombre d’enfants désiré. Selon l’UNAF, en 2023, le nombre d’enfants désiré était de 2,27 contre une fécondité à 1,7. Un écart considérable qui montre qu’une politique familiale est possible est qu’elle peut effectivement permettre une croissance démographique plus importante en France. Pour répondre aux féministes, ce n’est pas un scénario à la Handmaid’s tale ni à la Vichyste, puisqu’il n’est pas question de forcer des femmes à faire des enfants mais bien à aider celles qui en désirent et qui apparemment sont nombreuses à en avoir, dans de bonnes conditions. Dans les propos d’Emmanuel Macron, néanmoins, l’ambiguïté est de taille et laisse entendre qu’il s’agirait de presque forcer les femmes à faire un enfant et que ce serait un devoir envers la nation, or ici, ce n’est absolument pas le propos.
Se pose ainsi la question de savoir quelle politique familiale mener. Plusieurs mesures ont déjà été annoncées :
- Le remplacement du congé parental par un congé de naissance d’une durée de six mois en moyenne pour les deux parents
- Un grand plan pour l’infertilité
Il y a une proposition qui ne revient pas dans les annonces et qui pourrait être pertinente : la mise en place d’allocations familiales dès le premier enfant, aujourd’hui, elles ne sont accessibles qu’à partir du deuxième.
Cette mesure aurait un effet vertueux et sans doute beaucoup plus fort que des mesures fiscales ou de revalorisation des aides :
- D’une part, selon l’Institut Montaigne, beaucoup de parents qui ont un enfant , n’en ont pas un deuxième, exclusivement à cause du coût qu’a représenté le premier du fait du manque de soutien en allocations familiales. La mise en place d’allocations familiales dès le premier enfant pourrait enrayer cette barrière psychologique
- Deuxièmement, beaucoup de parents n’osent sans doute pas avoir un enfant du fait de la crainte du coût que cela pourrait représenter, puisqu’il n’y a pas de soutien financier
Il est important de rappeler que la France est le seul pays de l’Union Européenne où les allocations familiales sont attribuées seulement à partir du deuxième enfant. Evidemment, une telle mesure aurait un coût : entre 3 et 4 milliards d’euros selon Frédéric Bizard. Un coût pas négligeable mais qui peut être compensé dans d’autres domaines, notamment en calmant le jeu sur les aides fiscales diverses. En bref, rationaliser le domaine des aides familiales.
L’immigration: une vraie solution ?
Il est cependant évident que si l’accompagnement des familles pour avoir des enfants est absolument fondamental – n’en déplaise aux féministes radicales qui confondent le fait d’accompagner et de forcer – cela ne pourra pas éviter une société dans laquelle la natalité sera moins forte. Cela implique de repenser considérablement le système de retraite mais aussi de penser sur le long terme aux conséquences que cela peut avoir sur le plan économique, notamment une baisse de l’activité dans des secteurs entiers directement liés à la naissance : la petite enfance, la vente produits alimentaires et non-alimentaires pour enfants et une baisse de la consommation.
A cela, une solution toute trouvée semble émaner de certains : l’immigration, pour combler le déficit de main d’œuvre. Un débat qui n’est sans rappeler celui de la loi immigration, il y a 2 mois. En réalité, c’est exactement le même problème que la politique familiale : penser que la solution à tout est déjà une forme de simplisme. Aujourd’hui, par exemple, le déficit de main d’œuvre dans certains secteurs peut déjà être comblé par le fait que la France compte 3 millions de chômeurs. De même, quand le président du MEDEF, dit que nous aurons besoin de presque 4 millions de travailleurs immigrés d’ici 2050, c’est un peu simpliste :
- Le chiffre de Patrick Martin est juste un calcul fait en se basant simplement sur le nombre d’emplois en France et la baisse de la natalité
- Pour autant, cela est faire fi du fait que l’économie se transforme et s’accompagne de destructions d’emplois
Si l’immigration peut être une solution, ce n’est justement pas pour repeupler la France, mais bien pour combler le déficit de main d’œuvre dans certains secteurs : cela implique donc une politique d’immigration choisie, basée sur des critères économiques mais aussi des perspectives d’intégration voire d’assimilation. En clair, l’inverse de ce qui est fait aujourd’hui et l’inverse de ce que disent les défenseurs de l’immigration zéro.
La natalité: une question de volonté ! (ça rime !)
Il y a une question fondamentale ici, c’est celle de la volonté d’avoir des enfants. En parlant de réarmement démographique, Emmanuel Macron se trompe maladroitement et suscite une polémique qui ne devrait pas être. Elle suppose que ce serait un devoir d’avoir des enfants pour réarmer démographiquement un pays et elle emploie un vocabulaire guerrier, alors que l’enjeu ici est de rappeler que c’est une volonté personnelle d’avoir des enfants et que ce qui est dramatique, c’est que des personnes qui veulent en avoir, n’en ont pas, faute de soutien.
Il y a une tendance cependant claire, à la baisse du nombre d’enfants souhaités, selon l’UNAF : 2,39 enfants en 2021 et 2,27 en 2023. Cette baisse est assez normale, ancrée dans une évolution des mœurs : des études plus longues chez les femmes, un taux d’emploi féminin beaucoup plus élevé. Cela devrait nous réjouir, c’est signe d’une société qui évolue, d’une élévation globale du niveau d’éducation et du niveau de vie. Il paraît assez difficile de changer cela, en revanche, comme dit précédemment, nous pouvons influer sur le fait que des parents arrivent à avoir le nombre d’enfants qu’ils souhaitent.
Pour en revenir à nos moutons, la réduction du nombre d’enfants souhaité est signe d’une société qui évolue, c’est indéniable, et surtout, d’une fin évidente de la culpabilisation qui était infligée à ceux qui ne voulaient pas d’enfants. Bien que toujours existante, elle est en forte diminution, et quelque part heureusement, avoir un enfant doit toujours être un choix et non un quelconque devoir. Il est important de retenir cette dernière phrase.
Car, ce que à quoi nous assistons aujourd’hui, notamment sous la pression d’une frange éco-radicale au sein de ma génération, de plus en plus virulente, c’est une véritable inversion des valeurs avec à la clef une culpabilisation, cette fois-ci de ceux qui souhaitent avoir des enfants.
Nous le voyons par les appels venant des militants « écologistes » à l’image d’Yves Cochet qui appellent à réguler les naissances ou de pseudo-scientifiques à l’image de Jean-Marc Jancovici (très compétent sur l’énergie, mais beaucoup moins sur le reste) qui considèrent aussi que la lutte contre l’épuisement des ressources et le réchauffement climatique ne peut se faire qu’en limitant les naissances.
Rappelons qu’un Français émet 4,56 tonnes de CO2 (source : agence internationale de l’énergie) quand un américain en émet 14,61 et un Russe 10,64. Certes, nous n’avons pas encore atteint l’objectif de 2 tonnes.
Aujourd’hui, les jeunes militants écologistes considèrent ne pas avoir envie de faire des enfants par convictions, pour éviter de leur imposer un futur qui serait catastrophique. Au-delà du fait que ce soit tout à fait critiquable puisque rien ne permet d’affirmer que le futur sera aussi catastrophique qu’ils le prétendent et surtout, les perspectives d’avenir étaient beaucoup plus sombres pour un adolescent en France en 1941 par rapport à aujourd’hui, pourtant, tout le monde sait que les années qui ont suivi cette période ténébreuse ont été sans doute les meilleure décennies que l’Histoire contemporaine ait connu… Soit, passons, cela reste un choix individuel, et doit le rester. Le danger c’est que quand certains en viennent à considérer que c’est égoïste et irresponsable de faire des enfants, est-ce que ceux, dans cette génération qui feront le choix d’avoir un ou des enfants ne seront pas jugés péjorativement ?
Le mot de la fin
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Pour conclure, un seul mot d’ordre, finalement : chacun fait ce qu’il souhaite. Emmanuel Macron a été maladroit dans sa formulation et donne l’impression de vouloir surjouer le rôle du vieux conservateur… Après avoir demandé à Aya Nakamura de chanter Edith Piaf pour les JO ! Quelle cohérence idéologique !
Néanmoins, cette maladresse a le mérite de souligner un fait : des familles en France, n’ont pas d’enfants, non pas par choix, mais par contraintes, le nombre d’enfants désiré est supérieur au taux de fécondité, cela doit interroger les politiques publiques.
La baisse de la démographie aura des conséquences économiques et sociales auxquelles il faudra faire face.
Enfin, il ne faut jamais céder à ses injonctions à vouloir baisser la fécondité, qui, rappelons-le, ne reposent sur aucun fondement scientifique… mais qui repose par contre sur beaucoup de fondements idéologiques.