Réforme de l’assurance chômage: à quand la vraie réforme ?

Le 1er Octobre 2021, si tout va bien, une réforme profonde de l’assurance-chômage devrait entrer en vigueur. Celle-ci aurait dû normalement entrer en vigueur à la date du 1er Juillet, mais le conseil d’Etat en a voulu autrement puisque, selon l’institution, la période est actuellement couverte « d’incertitudes économiques ». Si on raisonne comme cela, on peut directement arrêter de réformer, puisque la situation économique n’est pas stable. C’est assez étrange qu’une institution, normalement indépendante du pouvoir politique, prenne partie à ce point, il serait peut-être temps de réformer les institutions de notre pays et de limiter le pouvoir, parfois débordant, de ces institutions. Pour en revenir à cette réforme, celle-ci a rencontré la contestation de la totalité des syndicats de salariés, pour eux, le système actuel est bon, le fait qu’il y ait des salariés qui restent plusieurs mois voire des années en gagnant autant qu’en travaillant tout en étant au chômage est normal. D’ailleurs, le déficit de 71 milliards d’euros pour fin 2022, ce n’est pas très grave non plus ! Etonnamment, les syndicats de fonctionnaires étaient particulièrement présents dans les cortèges des manifestations, les fonctionnaires ayant vraiment peu de chances de tomber dans le chômage du fait que ceux-ci bénéficient d’un emploi à vie et pour quitter la fonction publique de manière anticipée, il faut, soit démissionner, soit être licencié pour motif personnel (et vue la tolérance dans ce domaine, il faut vraiment être très fort pour se faire licencier pour motif disciplinaire) ou alors adhérer à un plan de départ volontaire (une sorte de licenciement économique mais où on demande gentiment à l’employé s’il veut partir et on lui donne plein d’aides en échange !). Certains nous diront que c’est par solidarité, sans doute face à une « réforme super injuste » (Philippe Martinez).

Penchons-nous sur le contenu de cette réforme qui terrorise tant les syndicats.
Premièrement, je tiens à féliciter celui ou celle qui arrive à comprendre le contenu de cette réforme :
- Dorénavant il faudra travailler 6 mois sur les 24 derniers pour toucher l’assurance-chômage (au lieu des 4 mois sur les 28 derniers actuellement)
- Une taxe sur les CDD (de 10 %)
- Le calcul du salaire journalier de référence : salaires bruts perçus au cours des 24 derniers mois divisés par le nombre de jours entre le début du 1er contrat et la fin du dernier contrat au cours des 24 derniers mois : cette mesure a été suspendue par le conseil d’Etat
- Le meilleur pour la fin (bon courage…) : les salariés de moins de 57 ans touchant plus de 4500 euros par mois, dans la limite de l’allocation versée à ce niveau de salaire, connaîtrait une dégressivité de 30 % au bout de 7 mois si le nombre de chômeurs de catégorie A baisse pendant 6 mois et que le nombre de déclaration d’embauches de plus d’ 1 mois soit supérieur à 2,7 millions sur les 4 derniers mois.
Alors, si on regarde bien on a, en face de nous, une réforme illisible, qui va impacter surtout les cadres, c’est-à-dire ceux le moins concernés par le chômage de longue durée : selon le site observation société, 7 % des chômeurs longue durée sont des cadres, contre 41 % d’employés qualifiés, 23 % d’employés non-qualifiés, 12 % d’ouvriers qualifiés et 12 % d’ouvriers non-qualifiés . La raison est simple, les cadres sont souvent assez diplômés et les plus diplômés ont le plus de facilités pour retrouver un emploi rapidement. Le gouvernement est en train de s’acharner sur 7 % des chômeurs de longue durée quand 93 % des autres ne verront aucun impact. La réforme ne changera pas le fait que des chômeurs toucheront autant d’assurance chômage qu’en travaillant. En d’autres termes, la réfomee ne changera rien. Si on examine la réforme, on peut également observer que le gouvernement veut favoriser les CDI en taxant les CDD. Alors, on sait que les CDD c’est mal parce-que- ce sont des « contrats précaires », etc… Mais si on réfléchit quelques secondes, 85 % des embauches se font en CDD, pourquoi ? Peut-être parce-que le CDI est trop rigide ? Il faut prendre conscience d’une chose, le CDD est un contrat précaire, c’est vrai, mais vaut-il mieux être embauché en CDD ou être au chômage ? Je pense que la réponse est assez évidente ! Cette taxe sur les CDD, ça peut être une bonne idée mais dans ce cas il faut libéraliser vraiment l’usage des CDD, le gouvernement n’a fait qu’un bout du chemin en autorisant les branches à déroger aux délais de carence ou à la limite en matière de durée et de renouvellement, sauf que tout le monde sait que la négociation par la branche est quasi-impossible, pourquoi ne pas laisser une autonomie totale aux entreprises ?
En attendant, quelle pourrait être une vraie réforme de l’assurance chômage ?
- Dans un premier temps, la règle d’avant prévoyait de calculer le montant des allocations de la manière suivante : salaires bruts perçus au cours des 24 derniers mois divisés par le nombre de jours entre le début du 1er contrat et la fin du dernier contrat au cours des 24 derniers mois. Aujourd’hui le montant des allocations est calculé en cumulant toutes les rémunérations sur les 12 derniers mois divisés par le nombre de jours travaillés sur cette même période. On pourrait faire pareil mais sur une période de 24 mois
- On pourrait définir un plancher à l’équivalent du seuil de pauvreté par exemple (1041 euros par mois) et en contrepartie, un plafond à 75 % des revenus moyens sur les 24 derniers mois
- La dégressivité pourrait s’appliquer à tous dès le sixième mois
- Comme il est fait dans les pays Scandinaves, on pourrait mettre en œuvre une obligation de formation au bout d’un certain temps, trois mois de chômage par exemple, de façon à faire acquérir des compétences au chômeur tout en lui permettant de garder un lien social
Cette méthode est simple et équilibrée. En attendant, Emmanuel Macron avait promis que les allocations seraient supprimées au bout de deux refus d’offres d’emploi raisonnables, où est passée cette promesse ? L’ancien candidat à la Présidentielle n’était pas avare de promesse, il avait notamment promis que les salariés démissionnaires pourraient avoir accès aux allocations chômage. Il a fallu que l’ancien ministre de l’économie attende d’entrer à l’Elysée pour se rendre compte que cette mesure était impossible à mettre en œuvre… Au final, il sera possible pour un salarié démissionnaire d’avoir accès aux allocations chômage tous les 5 ans.

Tout cela pour dire que, encore une fois, Emmanuel Macron nous a produit une petite réforme qui ne changera quasiment rien, elle devait être a minima pour satisfaire les syndicats, qui, au final, ne sont pas satisfaits… On continue d’attendre pour la vraie réforme, pendant que le déficit, lui, n’attend pas. Tout cela n’est pas grave, ce seront les générations futures qui paieront, puis, Emmanuel Macron ne sera plus au pouvoir à ce moment !