Grève contre la réforme des retraites : il était une fois, un peuple privilégié… et qui refusait de l’admettre !
Inutile de rappeler le contexte tendu qui anime la France en ce moment : chaque semaine, des manifestations et des grèves contre le projet de réforme des retraites proposé par le gouvernement. Des grèves de plus en plus nombreuses contre un projet qualifié d’injuste, c’est l’actualité du moment. Des grèves qui, à leur habitude, ne font que perturber le fonctionnement de la société : les transports mais aussi l’éducation. Bref, un mouvement qui commence à interroger sur l’éventuelle nécessité d’encadrer le droit de grève, et il serait temps ! En attendant, il faut réellement se pose la question : quel est l’impact réel de la réforme tant décrié par les manifestants ? Quelle est la nécessite de réformer les retraites ?

Tout d’abord, je tiens à rappeler qu’un article a été produit sur ce même blog, il y a quelques semaines, je vous invite à en prendre connaissance au lien suivant : https://appelezmoiarthur.com/reforme-des-retraites-un-peu-de-courage-mesdames-et-messieurs-les-politiciens Pour rappel, le ratio actif/retraité établi aujourd’hui s’élève à 1,7. Nous vivons dans un système par répartition : les actifs financent les pensions des retraités. Ce que nous voyons, c’est que les taux de cotisation des actifs deviennent de plus en plus élevés en raison de l’allongement de l’espérance de vie. Le fait que l’âge de départ français s’élève à 62 ans fait que le déficit du système de retraite ne fait que s’accroître, et donc que les comptes sociaux sont menacés à terme. Premièrement, il serait temps de casser une bonne fois pour toutes, certaines idées reçues:
- Oui le COR a bien dit que le système sera déficitaire. L’argument mainte fois énoncé étant que le COR (conseil d’orientation des retraites) indique que le budget de l’année 2022 sera excédentaire. Ceci est vrai, sauf que ceux qui prennent cet exemple feraient mieux de lire la phrase jusqu’au bout, puisque le COR prévoit un équilibre pour 2022 mais un déficit dès la fin de l’année 2023.
- Non, taxer les revenus du capital ne sera pas suffisant pour financer le système de retraite. Si, par exemple, il est choisi de rétablir l’ISF pour financer le système de retraite, un léger problème d’équilibre s’impose : la recette maximale de l’ISF est estimée à 5 milliards d’euros, même si le taux est doublé, la fuite de capitaux ne fera que très peu augmenter cette recette. Le déficit structurel du système de retraite, s’élève à : 30 milliards d’euros en 2030
- Non, augmenter les cotisations sociales ne sont pas une solution, loin de là ; Augmenter les cotisations salariales signifierait une baisse significative du pouvoir d’achat des salariés. Augmenter les cotisations patronales, à l’inverse, signifierait créer du chômage et donc réduire les mannes financières du système.
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La seule solution qui vaille est donc d’allonger la durée de cotisation
A ceux qui disent, qu’il suffit d’annuler la baisse des impôts de production (qui s’élève à 11 milliards d’euros) ou de taxer les plus riches. Faire reposer sur autre chose que les cotisations, le financement du système de retraite, est une erreur dangereuse : cela signifierait que le système de retraite reposerait sur des financements totalement variables : qui dit que les « riches » vont se laisser faire si le gouvernement choisit de rétablir l’ISF ? Qui dit que cela ne va pas conduire à un exil fiscal massif ? A ceux qui disent que ce n’est pas possible, remémorez-vous l’épisode de la taxe à 75 % sur les hauts-revenus de François Hollande et l’effet que sa simple annonce a eu. Donc, nous faisons courir un risque gravissime au financement du système de retraite à terme. De plus, la baisse des impôts de production, contrairement à ce qu’affirment nos brillants économistes de la NUPES, n’a pas uniquement « engraissé » le CAC 40, elle a servi à toutes les entreprises : celle-ci concernait la baisse de la taxe foncière des propriétés bâties, la cotisation foncière des entreprises, la cotisation sur la valeur ajoutée. Bref, des impôts payés par toutes les entreprises : le petit commerce, le restaurant du coin… Revenir sur cette baisse serait déjà profondément immoral : on continuerait à racketter les entrepreneurs qui se tuent au travail pour financer le désir surréaliste des français d’être le seul peuple partant encore à 62 ans à la retraite. De même, si aujourd’hui, nous pouvons nous vanter de connaître de chômage aussi bas (ce qui est positif pour le système de retraite), c’est le fait de la baisse de la fiscalité du capital et sur les entreprises. Oui, la compétitivité des entreprises revient progressivement, et ce n’est pas le fait du hasard. Disons-le, la redistribution des richesses n’a jamais fonctionné : le haut taux de prélèvements obligatoires qui est toujours existant actuellement mais qui l’était encore plus il y a quelques années, nous a conduit : au chômage de masse, à l’exil fiscal massif et au déficit commercial parmi les plus élevés de l’OCDE. Alors, nous avons fait le bilan : taxer les plus riches ? Carrément dangereux pour le système de retraite ? Augmenter les cotisations ? On crée du chômage, donc on réduit le financement des retraites. Alors, la seule solution qui vaille, c’est l’allongement de la durée de cotisation. Fort heureusement, c’est la solution qui a été choisie par le gouvernement.
Petit rappel des mesures phares de la réforme :
- Recul progressif de l’âge de départ de 62 à 64 ans (recul d’un trimestre par année= âge à 64 ans en 2031)
- Accélération de la réforme Touraine qui prévoyait l’allongement de la durée de cotisation à 43 annuités (en 2027 au lieu de 2035)
- La suppression de cinq régimes spéciaux
- Un minimum pension à 1200 euros brut
Alors, est-ce que cette réforme est positive et va dans le bon sens ? Bien évidemment, cette loi va permettre de gagner des ressources supplémentaires pour le système de retraite. Est-ce qu’il faut que les députés la votent ? Evidemment. Est-ce qu’elle est suffisante ? La réponse est malheureusement négative.
La démonstration de la manière suivante : j’ai utilisé le formidable simulateur de l’Institut Montaigne, au lien suivant: http://www.financespubliques.fr/retraites/ pour réaliser une estimation des effets de la réforme. Voici le résultat :

Le déficit sera effectivement moins important que prévu, les caisses de retraite seront excédentaires jusqu’en 2031, (après un léger déficit en 2029), cependant dès 2032, nous rebasculons en déficit : de 3,62 milliards d’euros, avant de s’installer durablement à un déficit autour des 20 milliards d’euros à partir de 2049. En d’autres mots, la réforme est terriblement insuffisante. A noter que ces données ne prennent pas en compte les nombreuses concessions du gouvernement, notamment sur les carrières longues. Néanmoins, il est important de le rappeler, cette réforme est loin d’être inutile, puisqu’elle nous évite un déficit à 87 milliards d’euros à l’horizon 2060 et nous permet de garantir un excédent dans les années 2025-2030, quand sans réforme, le système est déficitaire entre 5 et 10 milliards d’euros sur cette période. .
Dans mon article précédent, j’avais proposé une autre idée de réforme, en voilà plusieurs exemples.
- Si sur le même rythme, on décale l’âge de départ jusqu’à 65 ans (ce qui ferait un âge à 65 ans en 2035), le système serait déficitaire entre 2028 et 2053 avant de redevenir excédentaire, de manière durable (avec des déficits très faibles, avec un pic en 2034 à 11 milliards d’euros).
- Si de manière plus radicale, nous accélérons le report de l’âge de départ de 6 mois par an, jusqu’à 65 ans, on arrive alors à un âge de départ à 65 ans à l’horizon 2029. Et bien là le système est à l’équilibre de manière quasi-perpétuelle, avec un léger déficit ne dépassant pas 1,5 milliard d’euros entre 2043 et 2050.

Une loi bonne mais insuffisante
Des solutions existent donc pour équilibrer le système de retraites. Parmi les autres mesures, figure aussi la suppression des régimes spéciaux. En soit, très bonnes mesures, dommage, que parmi les 12 régimes spéciaux, seuls 5 soient supprimés : quelle justification à octroyer un régime spécial à l’opéra de Paris ? De même, il est évidemment scandaleux, que la suppression des régimes spéciaux ne s’effectue que par une clause du grand-père (soit uniquement pour les nouveaux entrants). Les sénateurs LR avaient proposé de supprimer cette clause, dommage qu’ils n’aient pas eu le courage de porter leurs convictions jusqu’au bout, (remarque que ça devient une habitude au sein de ce parti).
Une mesure est aussi absente de ce projet de loi, c’est l’absence d’alignement public-privé. Qu’est-ce qui permet, aujourd’hui, de justifier que les agents de la fonction publique continuent à voir leur retraite calculée sur les 6 derniers mois alors que ce sont les 25 meilleures années dans le privé. Toutes les réformes précédentes ont demandé un effort significatif au privé et seulement très faible aux fonctionnaires, il est temps que cela change, malheureusement, ça ne sera pas pour aujourd’hui !
Une responsabilité collective

Si, la réforme est aujourd’hui insuffisante, la faute est collective. La responsabilité appartient au gouvernement qui n’a pas été capable de faire preuve de la clarté dont a besoin cette réforme : il faut arrêter avec ces jolis discours, garantissant une « réforme de justice » qui va mettre fin aux inégalités hommes/femmes, qui va rendre tout le monde heureux, qui est une réforme de gauche… Ce n’est pas la question ! Il faut dire, de manière brute et sans concession : la réforme est nécessaire, il y a un déficit et si nous ne faisons rien nous ne pourrons pas payer les pensions des retraités actuels mais aussi de tous les excités qui manifestent aujourd’hui.
Les LR plus à gauche que Macron
Ceux qui ont la plus grande part responsabilité dans l’insuffisance de cette réforme, restent les LR : réduits à faire de la politique politicienne, ceux-ci en viennent à revenir sur leur propre conviction : après s’être positionnés comme plus libéraux que macron pendant 5 ans, ils deviennent plus à gauche que Macron. Néanmoins, en jouant les divas, les LR ne se sont pas seulement ridiculisés, ils ont mis à néant l’équilibre financier que pouvait apporter la réforme en exigeant des concessions tout aussi délirantes et coûteuses les unes que les autres (refuser le report à 65 ans au profit d’un âge à 64 ans alors qu’il est encore écrit sur leur site internet qu’il faut repousser l’âge de départ à 65 ans par exemple). Ne parlons pas d’Aurélien Pradié, lui qui ne cesse de répéter « je sais d’où je viens » , qui, il y a encore trois ans, prônait l’âge de départ à 65 ans et qui aujourd’hui joue à un concours de populisme avec la gauche. Néanmoins, le député du Lot, pourra effectivement affirmer qu’il sait d’où il vient, puisqu’il vient d’y retourner, cela s’appelle le néant. Inutile de parler de Xavier Bertrand, qui a été dans l’incapacité totale de fournir la moindre position claire depuis le début des débats sur cette réforme (un coup la réforme ne va pas assez loin, un coup elle trop dure…)
Une gauche qui perd sa boussole
Inutile de parler de l’hypocrisie et surtout de la démagogie de la gauche : entre les socialistes qui ont perdu leur boussole depuis le moins de mai et qui se retrouvent aujourd’hui à prôner la retraite à 60 ans (alors qu’ils ont défendu les 62 ans à la dernière présidentielle. Vous vous souvenez, c’était Hidalgo la candidate ?) et qui prône de revenir à 40 annuités, soit de revenir sur la réforme qu’ils ont eux-mêmes adopté en 2013. Inutile de parler de l’attitude provocatrice, menaçante et grossière de la France insoumise, qui n’a su s’illustrer que par sa capacité à déposer près de 20 000 amendements, dont le contenu de chacun se résume à bouger une virgule.
Ne pas parler de la CFDT
Inutile de parler de l’hypocrisie syndicale, avec la CFDT, loin de l’esprit réformiste de 1995, attaché à la réforme, avec, aujourd’hui, un secrétaire général qui en est réduit à marcher main dans la main avec Martinez.
Pour conclure…
Je ne répèterai que simplement ce que je dis depuis plusieurs articles : à quand des cours d’économie obligatoires à l’école ?