Réforme des retraites : Un peu de courage, mesdames et messieurs les politiciens !
C’est officiel, le gouvernement s’apprête à réformer les retraites. Au planning, rien n’est encore défini mais ce qui semble s’annoncer est vraisemblablement un report de l’âge légal de départ de 62 à 65 ans, de manière progressive. Plus précisément, selon différentes sources, l’âge de départ devrait être reporté de 4 mois par an. Avec une entrée en vigueur en 2023, l’âge de départ à la retraite sera donc de 65 ans en 2032. Nous comprenons ainsi que cette réforme, à l’inverse de celle proposée en 2020, n’est pas une réforme systémique : on ne cherche pas à changer de système (basculer d’un système en annuités à un système par points) mais une réforme paramétrique, on ajuste certains paramètres du système, en l’occurrence, l’âge de départ et in fine, la durée de cotisation. Ces réformes ont le mérite de permettre de faire des économies rapidement : environ 25 à 30 milliards d’euros en 9 ans. Il a été aussi annoncé que la retraite minimale pour les carrières pleines serait revalorisée à 1200 euros (aujourd’hui le minimum contributif additionné au minimum des retraites complémentaires équivaut à 980 euros environ). Peu d’informations ont cependant été transmises concernant les régimes spéciaux : la plupart devraient être supprimés, Emmanuel Macron avait évoqué lors de la campagne présidentielle précédente, de conserver uniquement trois régimes : les indépendants, les fonctionnaires, les salariés… Ainsi, les différences de régime seraient maintenues entre le public et le privé : les 25 meilleures années prises en compte pour le privé, les 6 derniers mois pour le public (avec un taux de conversion plus important : 75 % dans le public, 50 % dans le privé). Néanmoins, les fonctionnaires, devraient être concernés, a priori, par la réforme de l’âge de départ.
Une réforme nécessaire
![](https://journaldesseniors.20minutes.fr/wp-content/uploads/2022/12/Mots-symbolisant-les-reformes-sur-age-de-depart-a-la-retraite-et-le-pouvoir-dachat-des-retraites.jpg)
Il est temps, de démentir une information fausse qui ne cesse de circuler et qui est relayée par tous les syndicats et une partie de l’opposition, qui est celle de l’équilibre des comptes publics : aujourd’hui les comptes du système de retraite seraient à l’équilibre. Ceci est très partiellement vrai : les comptes sont effectivement à l’équilibre pour l’année 2022, ceci dû au fait de la très forte reprise économique d’après-covid. Néanmoins, affirmer que le fait que les comptes soient à l’équilibre justifie ne pas faire de réforme équivaut à peu près à dire : « aujourd’hui, la météo est ensoleillée, il fera donc beau tous les jours jusqu’à la fin de l’année ». En clair, il est évident, que la situation ne va que se dégrader, pour une raison simple : notre système de retraite fonctionne selon le principe de répartition : les actifs cotisent et paient les pensions des retraités actuels, c’est le principe de solidarité intergénérationnelle. Le problème est le suivant : l’espérance de vie en France ne cesse de s’allonger, ce qui en soit, n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, cela veut dire que la science fait des progrès et que le niveau de santé des français s’améliore. Le problème, néanmoins, posé par cet allongement de l’espérance de vie, est donc que la proportion de retraités augmente, et celle du nombre d’actifs : il est également important de rappeler, qu’en France, comme dans la plupart des pays développés, la natalité baisse. Ainsi nous en arrivons au constat suivant : en 1960, on comptait 4 retraités pour 1 actif, en 2020, le ratio était de 1,7 actif pour 1 retraité. Ainsi, le système devient de plus en plus difficilement finançable et fait peser des taux de cotisation extrêmement élevés sur les actifs. Il est donc impératif de faire une réforme des retraites visant à repousser l’âge de départ, afin de baisser le nombre d’individus à la retraite au même moment et donc de laisser le système de retraite respirer et être à l’équilibre. Avec bientôt 1 actif pour 1 retraité, il ne sera bientôt plus possible, de payer les retraites avec les cotisations des salariés, à moins de leur prendre une part extrêmement importante de leur salaire. Les alternatives sont simples :
- Baisser les pensions (l’Institut Montaigne avait estimé que pour équilibrer les comptes de la CNAV, il faudrait baisser de 10 % toutes les pensions, si nous refusions de réformer l’âge de départ à la retraite, cela signifie que des retraités modestes voire précaires risquent de voir leur pension baisser de 10 %)
- Augmenter les taux de cotisation (rien que pour cette année, le même institut tablait sur une augmentation de 2,5 % minimum, soit une baisse de tous les salaires en France de 2,5 %)
- Supprimer le système par répartition pour basculer vers un système par capitalisation (une solution qui, je pense, ne sera pas très populaire et quelque part à juste titre)
- Accepter que l’Etat continue de mettre de son argent pour équilibrer les comptes des retraites, il faut néanmoins avoir à l’esprit que les retraites et la santé représentent une part extrêmement importante des dépenses sociales, cela signifierait donc que ce budget alloué aux retraites serait pris en moins sur les dépenses de santé par exemple… Est-ce possible dans un pays où nous vivons de plus en plus vieux ?
- Se réveiller un matin en se rendant compte qu’il sera impossible de financer les pensions des retraités
En clair, il n’y a pas d’autre alternative que de parler d’allongement de la durée de cotisation. Allonger la durée de cotisation nécessaire pour toucher le taux pleins (le nombre d’annuités) peut être une alternative, mais les économies seront plus longues à être réalisées et ne seront pas au même niveau qu’un report de l’âge de départ.
L’hypocrisie de l’opposition
Face à cette réforme, nous avons face à nous une myriade d’oppositions.
- La NUPES, considère qu’il faut au contraire revenir à un âge de départ à 60 ans et une durée de cotisation à 40 ans (au lieu des 43 actuels), ce qui serait une pure folie et conduirait mécaniquement à une hausse drastique des ressources financières du système de retraite. Cela représenterait un coût d’au moins 20 milliards d’euros par an (voire 40 milliards). Mélenchon propose de financer une telle dépense par une hausse de la fiscalité sur le capital : pour info, l’ISF rapportait 5 milliards d’euros par an, il faut savoir que ce sont les recettes maximales que nous pouvons atteindre avec un tel impôt, au-delà, la fuite du capital est trop importante. Il faut savoir que l’ISF rapportait 5 milliards d’euros par an mais son coût était encore plus élevé. Par exemple, les investissements n’ont jamais été aussi élevés depuis la transformation de l’ISF en IFI et donc mécaniquement cela engendre des recettes (les investisseurs paient des impôts, consomment, mais surtout ils créent des emplois, et donc ce qui est récupéré par l’ISF en impôt risque d’être perdu dans les dépenses chômage…)
- Le RN, qui adopte une position incompréhensible, il propose un âge de la retraite qui serait plafonné à 62 ans, mais pas pour tout le monde, pour ceux qui commencent à travailler tôt… En clair, ils proposent un dispositif cela se nomme le dispositif « carrières longues »… Mais pour équilibrer les comptes de retraite, Marine Le Pen a sa solution miracle : supprimer les aides sociales aux étrangers ! C’est bien, déjà ça ne sera pas suffisant pour équilibrer les retraites, mais surtout, l’effet risque d’être très négatif, avec un nombre important d’immigrés qui aujourd’hui travaillent et participent au financement du système de retraites. En clair, une catastrophe économique assumée…
- Les syndicats : tous unanimement opposés à une telle réforme, disent que les comptes sont à l’équilibre, donc il n’y aurait pas de nécessité à allonger la durée de cotisation. Pour Laurent Berger, il faudrait financer le système de retraite par une augmentation de la fiscalité sur les successions, donc par une recette totalement incertaine. Il faut savoir que leur argument tient à la pénibilité du travail (ce serait trop dur de travailler au-delà de 62 ans, bien que tous les pays d’Europe y sont arrivés) et au fait que les séniors sont en majorité au chômage après 55 ans.
Si nous savions que l’extrême gauche, le RN et les syndicats ne savent pas compter, la position des LR est très surprenante, eux qui ont toujours défendu un report de l’âge de départ à 65 ans, se retrouvent aujourd’hui (pour une partie) à hésiter à défendre une telle réforme. Par exemple : Olivier Marleix a déclaré qu’il était opposé à une réforme qu’il jugeait trop « brutale » et Aurélien Pradié se dit opposé à tout report de l’âge de départ (alors qu’il y a 2 ans il prônait de bouger l’âge de départ de 2 ans). C’est de la politique politicienne, mais en aucun cas du bon sens, les LR savent pertinemment qu’ils sont les seuls à pouvoir faire basculer l’issue de cette réforme puisque la majorité présidentielle n’est pas absolue. LR fait passer son refus d’admettre que le gouvernement propose une réforme qui va dans le bon sens, devant la santé économique et financière du pays. Si LR refuse de voter cette réforme, il faudra qu’ils prennent conscience qu’ils n’auront plus seulement 60 députés à l’assemblée nationale, mais peut-être 30 et même 15… Ils sont prêts à voter contre une réforme qu’ils toujours soutenu, uniquement pour des raisons politiciennes. Surtout, si nous regardons les arguments de Marleix, ceux-ci sont assez comiques : il est opposé à une réforme qui bougerait l’âge de départ de 4 mois par an et préfère une réforme qui bougerait d’un trimestre par an l’âge de départ : voilà le niveau de l’opposition en France ! Le seul, dans l’opposition,qui jusque à présent, a dit qu’il était favorable à cette réforme et a fait preuve de bon sens est Eric Zemmour : force est de constater qu’il est parfois capable de dire des choses intelligentes… J’espère néanmoins que les LR sont conscients qu’ils font prendre au pays si la réforme ne devait pas être adoptée
Ce qu’il faudrait faire
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En soit, la réforme va dans le bon sens, mais pas assez loin. Edouard Philippe parlait du nécessaire basculement de l’âge de départ à 67 ans. Il a raison, il faudra y songer. Néanmoins, faisons les choses progressivement : il faut aller plus vite que le calendrier proposé par Emmanuel Macron, et non pas décaler de 4 mois par an l’âge de départ, mais de 6 mois. En clair, la réforme ne doit pas être appliquée en son intégralité en 2032 mais en 2029. De plus, il est regrettable que la réforme ne s’attèle pas à allonger la durée de cotisation, nécessaire pour toucher le taux plein, pourtant ça devrait être une nécessité : aujourd’hui cette durée est de 43 ans il faut la passer progressivement, sur les mêmes délais à 45 ans. Néanmoins, je pense que l’âge de taux plein automatique peut rester à 67 ans (l’âge à partir duquel un actif touche une pension de retraite à taux plein même s’il n’a pas le nombre d’année suffisante). En clair, il faut bouger à la fois l’âge de départ et la durée de cotisation. La question de l’acceptabilité est fondamentale : comment expliquer aux salariés du privé que ceux-ci devront travailler plus, alors que les caisses de retraites des fonctionnaires sont en déficit et que le travail du privé sert aujourd’hui à financer leurs retraites ? Il est donc urgent d’aligner le public sur le privé : la retraite doit être calculée sur les 25 meilleures années pour tout le monde : public, privé, indépendants ! Cela notamment en vue de simplifier le calcul de la retraite pour ceux ayant changé de catégorie professionnelle en cours de route. L’argument des fonctionnaires est que le calcul de leur retraite ne prend pas en compte les primes, soit 25 % de leur salaire, ce qui est vrai, néanmoins :
- Dans le privé, toutes les primes ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite
- Si les primes ne sont pas prises en compte dans le calcul, elles ne sont pas fiscalisées non plus : si les primes étaient prises en compte, les fonctionnaires devraient payer 25 % de cotisations en plus
Admettons, la condition pourrait être la prise en compte d’une partie des primes, pour un tel alignement. Les régimes spéciaux doivent aussi être impérativement supprimés.
Evidemment, que la question de la pénibilité doit être prise en compte : une solution pourrait être pour cela, de supprimer le plafond actuel du compte pénibilité. Il faut que la prise en compte de la pénibilité et pour cela, ce ne sont pas les syndicats qui doivent prendre la main sur ce dossier, mais la médecine du travail et uniquement elle…
La réforme devrait enfin aborder la question de la capitalisation obligatoire, et progressivement, créer un étage supplémentaire, avec de la capitalisation obligatoire (sur le modèle PREFON des fonctionnaires), cela permettrait de laisser souffler un système de retraite par répartition déjà en très grande difficulté avec les bouleversements démographiques que nous connaissons.
Tous les pays européens ont un âge de départ largement supérieur à 62 ans
Ce que nous pouvons en retenir, au-delà de l’hypocrisie dangereuse des oppositions, notamment à droite (si nous pouvons encore appeler ça la droite…), c’est que cette réforme est fondamentalement nécessaire. Cette réforme est viable aussi, tous les pays européens sont passés à un âge de départ largement supérieur à 62 ans, ce n’est pas pour autant, qu’ils sont plus malheureux. Les débats et surtout le niveau des débats sur ce sujet est révélateur du niveau en économie des français et de la nécessité de renforcer la culture économique de notre pays. En attendant, au lieu de se mobiliser pour reprendre les délires mélanchonistes lors des marches pour le climat, je rêverais d’une jeunesse qui a le courage de se mobiliser contre deux défis qui vont impacter directement la jeune génération : la maîtrise des comptes publics. Il faudrait une jeunesse qui se mobilise pour inciter les gouvernements à réellement accepter de réformer l’Etat et notre modèle de protection sociale, sans quoi l’avenir de la jeunesse sera sans doute menacé : pourrions-nous accepter que la jeunesse n’ait pas droit à une retraite digne et se retrouve à payer une dette colossale, parce-que les gouvernants précédents n’ont pas eu le courage de réformer ?
Ping : Grève contre la réforme des retraites : il était une fois, un peuple privilégié… et qui refusait de l’admettre ! – Appelez moi Arthur !