2023 : année de bascule ?
Dans quelques jours, 1er Janvier à minuit, le monde entier basculera dans une nouvelle année et tournera la page de 2023. A cet instant, nous serons tous, peut-être réunis avec nos amis, notre famille, à nous souhaiter – peut-être naïvement – une bonne année 2024. Avant d’enterrer 2023, il est bon de rappeler qu’elle a été une année mouvementée, et sur la scène internationale et sur la scène nationale, riche en évènements : résurgence du conflit entre Israël et le Hamas autour de la bande de Gaza, la poursuite du Conflit Russo-Ukrainien, la montée des populismes en Europe et dans le monde, les émeutes en France, la réforme des retraites. Tant d’évènements qui contribuent à penser que le monde en 2023, bascule vers une brutalisation, et en son sein, la société française devient de plus en plus polarisée. En réalité, 2023, a été l’année d’une succession d’évènements qui sont en réalité dans la continuité des années précédentes, mais dont la fréquence laisse penser, que le monde, est non seulement en train de changer, mais dans le sens exactement inverse de celui de la pacification du monde et des sociétés, promesse post guerre froide. Se pose aussi la question de savoir ce que ces évènements laissent présager pour l’année prochaine, sans pour autant sombrer dans le pessimisme ambiant qui semble être devenue la marque de fabrique de ma génération, avec nous le verrons, parfois beaucoup d’exagérations.
2023 : année de progression du réchauffement climatique, mais aussi d’un accord sans précédent ?
Commençons par les réjouissances et parlons du réchauffement climatique ! A priori, l’année 2023 devrait être considérée comme l’année la plus chaude jamais enregistrée, signe d’une progression de plus en plus importante du réchauffement climatique. Dans le même temps, les catastrophes naturelles se sont multipliées que ce soient des inondations ou des épisodes de sécheresse records. Un tableau peu réjouissant a priori. Pour autant, un évènement a le mérite de donner de l’espoir : la COP 28. Si le fait que cette COP se soit déroulé à Dubaï aurait pu laisser présager peu d’avancées réelles, le résultat est tout de même légèrement différent. Evidemment, les militants écologistes les plus radicaux (cf : militants de la marche pour le climat) , se sont empressés de jouer les pleureuses italiennes en jugeant l’accord insuffisant. Pour répondre à cela, il est important de rappeler deux notions :
- La première, peu importe ce qui allait sortir de l’accord de la COP 28, les icones médiatiques écologistes, tout comme les associations environnementales, auraient été de toute manière insatisfaites (à part si l’accord décrétait qu’il faille basculer dans un monde collectiviste et que la planète entière devienne végan … et encore !). De plus, il est important de rappeler que la critique des politiques environnementales est devenue la seule raison d’être de nombreuses icones médiatiques écolos comme Greta Thunberg ou Camille Etienne, et donc admettre qu’un accord environnemental serait suffisant, signifierait pour elles, une fin de carrière !
- Deuxièmement, il n’y avait pas besoin d’être madame Irma pour savoir que l’accord sorti de la COP 28 allait prévoir explicitement une sortie contraignante des énergies fossiles, tout simplement parce-que cela n’est pas réaliste. Mais il est essentiel de rappeler que ce texte mentionne une « transition hors des énergies fossiles » explicitement ce qui n’a jamais été le cas.
Aux analyses biaisées de militants écologistes survoltés, il vaut mieux préférer celles de spécialistes, comme François Gemenne qui le dit lui-même, ce texte a d’importances lacunes et faiblesses mais est historique et signe bien le début de la fin des énergies fossiles. Il le dit par ailleurs lui-même, il serait irréaliste de considérer que l’on puisse se passer du pétrole dans l’immédiat.
Pour résumer, dire que la situation est importante et grave, est une chose factuelle et vraie. En revanche, sauter sur sa chaise et crier au catastrophisme en refusant de voir les avancées, ça ne sert à rien, voire peut aggraver la situation.
Aussi une manière de considérer, selon moi, que si l’écologie va représenter un défi considérable pour la jeunesse et son avenir au cours des années à venir, il n’est peut-être pas celui qui devrait le plus l’inquiéter, nous allons le voir par la suite.
2023: la guerre à n’en plus finir
Sans transition aucune, mais toujours en restant sur la scène internationale, la diplomatie climatique a été rattrapée par de nombreux évènements internationaux. Un monde qui devient de plus en plus conflictuel, comme l’illustrent trois conflits majeurs qui ont eu lieu au cours de cette année.
Tout d’abord, le conflit Russo-Ukrainien, qui se poursuit, depuis le 24 Février 2022, qui s’enlise sans réelle avancée d’aucun des deux camps. Deux élections auront lieu en 2024 et auront une conséquence indiscutable sur la tournure que peut prendre le conflit Russo-Ukrainien. Les élections européennes et l’élection présidentielle américaine de 2024 peuvent potentiellement des victoires à des candidats ou des partis russophiles avec les conséquences que cela peut représenter sur le soutien militaire et financier apporté à l’Ukraine. Il est évident que l’année 2023 a été aussi révélatrice d’une crise profonde au sein de l’appareil d’Etat Russe avec la rébellion menée par Wagner en Juin 2023. Si celle-ci n’a pas abouti, elle montre que la Russie est toujours un colosse aux pieds d’argile et surtout qu’être un opposant à Vladimir Poutine peut s’avérer particulièrement dangereux, au risque de mourir en prenant l’avion.
Un conflit en efface un autre, le conflit Russo-Ukrainien s’est fait voler la vedette par une autre guerre, entre Israël et le Hamas, après un attentat mené par le groupuscule terroriste ayant provoqué la mort de 1200 Israéliens innocents. Suffisamment d’articles ont paru sur ce blog relativement à ce conflit, inutile de revenir dessus, mais aux discours simplistes et binaires présentant Israël comme le grand méchant agresseur, il est nécessaire de rappeler le traumatisme qui a été celui de la population Israélienne. L’extrême gauche en France mais aussi dans toute l’Europe, en tenant des propos parfois outranciers sur Israël et en refusant de reconnaître le caractère terroriste du Hamas a rappelé une seule chose : l’antisionisme est un synonyme de l’antisémitisme, ni plus ni moins. L’extrême gauche montre son vraie visage, celui d’organisations qui font l’apologie du terrorisme et dont le discours brutal a conduit à une dédiabolisation profonde de la droite radicale et de l’extrême droite en Europe, qui a profité de cet événement pour affirmer une ligne pro-israélienne. Voilà un vrai point de bascule, pour rappeler le titre de l’article en 2023 : l’extrême gauche et une partie de la gauche est devenue le bourreau des juifs, l’extrême droite a essayé de poser comme les amis de ce peuple martyrisé depuis des siècles, mais cela ne doit tromper personne…
Enfin, un conflit est passé relativement inaperçu et a bénéficié d’un temps d’antenne très limité, à cause des évènements du 7 Octobre, c’est le conflit du Haut Karabagh avec l’offensive militaire menée par l’Azerbaïdjan dans la République du Haut Karabagh (Etat non reconnu et revendiqué par l’Azerbaïdjan) où vivent de nombreux arméniens (minorité chrétienne d’orient). Cette offensive minoritaire s’est accompagnée d’une véritable épuration ethnique à l’encontre des Arméniens.
Le seul mot que l’Histoire peut retenir pour qualifier la réaction à ce conflit de la classe politique dans sa quasi-totalité en Europe : la honte !
La honte de cette extrême gauche qui aujourd’hui déplore une épuration ethnique à Gaza mais qui a été totalement absente lors des évènements. Ceci sans doute pour ne pas froisser son électorat …
La honte des dirigeants européens, qui ont fait preuve d’une passivité totale que l’on peut qualifier de lâcheté en particulier Emmanuel Macron, alors que la diaspora Arménienne en France est la plus importante de tous les pays européens.
Une raison explique cette passivité : le fait que le conflit Russo-Ukrainien ait eu pour conséquence à un boycott du gaz Russe de la part de l’UE a finalement conduit les Etats membres de celle-ci à acheter du gaz aux Azerbaïdjanais. Ainsi, les pays de l’UE font passer le pétrole avant la protection de minorités persécutées depuis plus de 100 ans.
Ce que démontrent ces guerres, c’est que les organisations internationales d’après-guerre devant normalement apporter la paix : ONU, UE, Conseil de l’Europe, sont aujourd’hui obsolètes. 2023, c’est ce point de bascule, l’impuissance des institutions internationales, nous le voyons avec la multiplication des conflits. Le défi de 2024 et des années à venir sera incontestablement de repenser la gestion des conflits, alors que l’ONU se retrouve aujourd’hui prisonnière de la Russie et de la Chine.
Et la France dans tout cela ?
Le défi de la dette publique
Je vous ai beaucoup parlé de ce qu’il se passe dans le monde et ce n’est pas sans lien avec ce qu’il se passe en France actuellement, même si la situation est bien spécifique. La montée des tensions au Proche-Orient a eu des conséquences fortes sur la société française avec un regain de l’antisémitisme et aussi beaucoup de contre-vérités assénées de toutes parts. Cette année 2023, s’est affirmée en continuité de ses prédécesseurs, dans la brutalisation des débats.
D’abord une réforme des retraites, visant à répondre à un double problème majeur qui n’est, en dépit de cette réforme, toujours pas résolu : la crise de la dette publique et l’équilibre financier du système de retraite. Une réforme qui a surtout démontré, à nouveau, le niveau particulièrement exécrable des français en économie. Le résultat est que la dette française en 2023, n’a jamais été aussi élevée : 111,7 % du PIB et que la crédibilité de la France sur les marchés financiers a été sérieusement entachée, en témoigne la dégradation de la note financière part l’agence Fitch en mai. Le réel danger imminent est bien la question de la dette publique, qui fait courir le risque d’une part, d’une hausse significative des taux d’intérêts, avec ce que cela représente pour l’activité économique du pays. C’est un véritable défi pour la souveraineté de la France, qui prend le risque réel d’être mise sous tutelle du FMI : inutile de dire que les cégétistes qui ont brûlé des poubelles pendant plusieurs mois par ce qu’il va falloir travailler quelques mois n’ont encore rien vu si une telle situation devait se produire !
Quant à ceux qui opposent dette publique et dette écologique, je l’ai déjà mainte fois expliqué, mais cela n’a aucun sens : sans résorption de la dette publique, la France sera incapable de financer les investissements nécessaires pour la transition écologique, ce qui devrait plutôt inquiéter ceux qui ne jurent que par l’écologie.
Les émeutes urbaines
A cela, une autre crise beaucoup plus importante s’est ajoutée, occupant une large partie du second semestre de l’année 2023, ce que j’appellerai une crise de la cohésion nationale.
Cette crise s’est manifestée d’abord par les émeutes de 2023, dont la durée a certes, été beaucoup plus courte qu’en 2005, mais l’intensité beaucoup plus forte :
Presque 6000 voitures brûlées, plus de 1000 bâtiments dégradés, plus de 700 policiers blessés contre 10 000 voitures incendiées, 200 bâtiments dégradés et 220 policiers blessés en 2005 : seul le nombre de voitures incendiées est en baisse par rapport à 2005, mais rappelons que nous parlons d’émeutes qui ont duré une semaine en 2023 par rapport à trois semaines en 2005, ce qui témoigne d’une intensité beaucoup plus forte des dégradations. Le monde entier a regardé la France, la France Insoumise à son habitude a tenu des propos outranciers sur la police : la seule bonne nouvelle est que son comportement l’éloigne de plus en plus de l’Elysée.
Quelques mois après, les évènements témoignant d’une brutalisation de la société française et de réelles tensions se sont multipliées :
- Attentat d’Arras le 13 Octobre : un enseignant assassiné presque trois ans jour pour jour après l’assassinat de Samuel Paty
- Le meurtre de Thomas Perotto à Crépol
Un ensemble d’évènements qui ont conduit à remettre l’immigration et la sécurité au cœur du débat public, ce qui a abouti à une loi sur l’immigration, une des plus fermes de ces dernières années.
Quand j’ai commencé ce blog, j’avais évoqué de multiples défis pour l’avenir : le réchauffement climatique et la question économique surtout. Un thème n’était pas présent, bien qu’existant à l’époque, il était beaucoup moins présent, c’est bien celui de la cohésion nationale.
Les émeutes ont été révélatrices d’une seule chose : une perte de contrôle de certaines banlieues de la part de l’Etat et surtout une haine de la France qui grandit dans ces mêmes banlieues qui est le fruit d’une assimilation qui ne porte plus ses fruits. Il est fortement dommage que le gouvernement n’ai justement pas tiré les leçons de cet évènement, pour se questionner sur la manière avec laquelle recimenter la société, alors que les mois qui ont suivi ont montré une poursuite dans la brutalisation de la société. C’est justement cette bascule dans la société qui a été flagrante en 2023, et les évènements de Crépol en ont été un exemple flagrant : une rixe ultraviolente qui a abouti à des débats anarchiques et à une polarisation de plus en plus forte de la société. L’année s’est enfin achevée par des débats sur un projet de loi relatif à l’immigration, aboutissant à un texte équilibré et ambitieux mais qui a montré des divisions extrêmement fortes sur ce sujet : entre une extrême gauche qui saute sur sa chaise dès qu’est abordée cette thématique et une extrême droite qui a enchainé les contre-vérités sans formuler de propositions concrètes.
La résultante en est cependant encore plus inquiétante : la France Insoumise, paie pour sa brutalité et sa volonté d’obstruction permanente, le Rassemblement National récolte les fruits des tensions des six derniers mois. 2023 est l’année qui doit nous faire prendre conscience que la probabilité d’une victoire de Marine Le Pen dans 4 ans à la présidentielle est très élevée (ce qui ne veut cependant pas dire qu’elle est certaine).
Et 2024 ?
2024, sera une année marquée par deux scrutins qui auront un effet considérable sur les différents enjeux cités au-dessus. Pour ce qui est le plus proche de nous, ce seront les élections européennes de 2024 qui auront lieu en juin 2024, avec une victoire, qui en l’occurrence, est quasie-certaine du Rassemblement National mais qui pourrait aussi aboutir à une majorité relative des partis de droite radicale et d’extrême droite au niveau européen, avec les conséquences que cela pourrait avoir sur le géopolitique européenne. Peut-être que ce sera bien l’année 2024, qui sera la vraie bascule au niveau géopolitique.
Une chose est certaine, le tableau présenté ne doit pas faire sombrer l’humanité et la France dans un pessimisme ambiant. Les conflits ont toujours existé malheureusement et ils existeront toujours, peut-être, est-ce la proximité qui touche davantage les européens, pour autant la guerre en Europe a eu lieu à de multiples fois. Il ne faut pas oublier que les Trente Glorieuses, sont reconnues historiquement comme une période d’insouciance, pour autant elles ont aussi été marquée par une période de conflictualisation du monde quasi-permanente : l’un n’empêche pas l’autre. Le véritable défi pour la France, c’est bien de réunir plusieurs France qui ne se parlent plus : à la fois celle d’une jeunesse d’extrême gauche qui considère les boomers et les riches comme responsables de tous les maux de la planète, à la fois, une France des banlieues qui a une haine de tout ce qu’incarne la France et plus largement l’Occident. Le véritable défi, c’est de réussir à montrer qu’il est possible de faire société et ceci ne peut passer que par une réaffirmation des valeurs républicaines. Le véritable défi serait de trouver une cause commune qui pourrait unir une majorité la plus large possible de français. Le problème étant qu’à l’heure actuelle, il n’y a aucun horizon d’union, la France est remplie de fractures et la seule chose qui est certaine, c’est que les seuls qui peuvent tirer parti de cette situation, ce sont les populistes et si le politique n’arrive à refaire de la France une société de valeurs, les conséquences risquent d’être particulièrement douloureuses, et cela devrait déjà débuter en 2024.