EcologieEconomieInternational

Elections européennes : enjeux & décryptage des programmes : économie & environnement (1/2)

Comme vous le savez sans doute, les prochaines élections européennes ont lieu le 9 Juin 2024, soit, ce dimanche. Comme vous le savez sans doute également, ces élections auront un enjeu capital politiquement et géopolitiquement.  Les enjeux sont nombreux mais l’un des plus essentiels sera sans doute la guerre en Ukraine : la future majorité au parlement européen et la future commission européenne aura un rôle clef dans l’orientation diplomatique que prendra l’UE à l’égard de cette guerre. Cette question en amène d’autres comme la sécurité européenne : comment, concrètement assurer la défense européenne ? Ces élections sont un tournant, alors que la poussée populiste, s’annonce spectaculaire au niveau français (avec un RN qui dépasse les 30 % en France) et une poussée des groupes nationalistes (ECR & ID). A noter que ces deux groupes n’ont pas la même orientation sur la question Ukrainienne (ECR est atlantiste et ID russophile), mais il est évident qu’une poussée de ces partis aura une influence sur la stratégie européenne sur cette question mais aussi sur d’autres sujets comme l’écologie ou l’immigration.

Nous pourrions aborder d’autres multiples enjeux : la question agricole, la question énergétique, la question de la crise des dettes souveraines. Bref, nous sommes à la croisée des chemins et il est effrayant que près d’un français sur 2 soit prêt à s’abstenir. Quand en viendrons-nous au vote obligatoire ? En attendant, la France est membre de l’Union Européenne, incorporée dans un système juridique européen et  l’Union Européenne nous touche au quotidien. Deux articles ici, le premier décryptera les enjeux économiques et environnementaux de cette élection et examinera les programmes des candidats sur ce thème. Le second, portera sur les questions migratoires, de défense et institutionnelles.

La politique commerciale

Tout d’abord, la politique commerciale européenne, un enjeu crucial alors que nous voyons évolutions économiques majeures sur la scène internationale : le retour du protectionnisme aux Etats-Unis, la guerre en Ukraine, le capitalisme d’Etat chinois en plein essor ou encore la crise des agriculteurs qui a révélé des problématiques à propos de certains accords de libre-échange. A cela, si nous regardons le débat politique, nous avons l’impression qu’il n’y a que deux visions : le libre-échange ou le protectionnisme. Le débat théorique entre libre-échangistes et protectionnistes est justement… théorique ! La question n’est pas de savoir quel modèle choisir mais comment tirer les bénéfices de ces deux modèles. Le libre-échange n’est pas néfaste par nature, au contraire, il peut bénéficier à nos entreprises du fait qu’elles puissent exporter à l’étranger. Le problème, c’est l’aveuglement, soit, le fait de ne pas imposer des conditions propices à ce que les accords de libre-échange soient propices aux deux parties. Toutes les listes ont compris, grâce ou à cause de la Covid-19, que notre dépendance à certains pays est un problème. Toutes rivalisent de propositions : au RN l’ambition est le « moratoire pour tout nouvel accord de libre-échange », au PS dans la majorité présidentielle et chez reconquête il est évoqué la « préférence européenne » pour la commande publique. Mesure très pertinente, et oui, il serait intéressant éventuellement d’instaurer une préférence européenne dans la commande publique via un Buy European Act réclamé depuis tant d’années. Il serait cependant bon d’avoir une idée en tête : le taux d’importations extra-européennes dans les commandes publiques françaises et allemandes, selon le CAE est entre 3 et 4%. S’arcbouter sur une telle mesure est assez consternant, puisque nous comprenons qu’en matière de politique commerciale, là n’est pas le sujet, la préférence européenne est de fait déjà là.

L’enjeu, c’est le fait que nous soyons dans une situation de concurrence déloyale avec le reste du monde : le capitalisme d’Etat chinois, le protectionnisme américain. Une seule liste parle du réel problème : la politique européenne de concurrence ! Cette seule liste c’est LR. Le problème, c’est que cette politique européenne de concurrence est pensée à l’échelle européenne et non à l’échelle mondiale. Ce qui fait qu’il est impossible d’avoir des champions industriels européens (Cf : interdiction par la commission de la fusion Alstom-Siemens). De même, à cause de cette même politique européenne de concurrence nous ne pouvons attribuer des aides d’Etat à des entreprises nationales, alors que les concurrents à l’international le font. Le problème en matière d’industrie est là. Evidement, doit se poser la question de la réciprocité dans les accords de libre-échange. Le raisonnement du RN ici est assez délirant : considérer qu’il faut un moratoire sur les traités de libre-échange signifierait que le libre-échange est par nature mauvais. Or, le sujet n’est pas là, la question c’est la réciprocité, le libre-échange peut nous être bénéfique si les conditions sont équitables.

Budget & dettes publics

Un sujet essentiel alors que récemment la France a vu sa note financière s’abaisser et que cela fait courir un risque à moyen et long terme de la stabilité monétaire au sein de l’UE.

Du côté de l’extrême gauche, toujours les mêmes rengaines Lfistes : il faut annuler la dette Covid et organiser une conférence européenne sur les dettes souveraines sur la base d’audits citoyens pour « préparer un réaménagement négocié de la dette ». Sachant que 65 % de la dette est détenue par des non-résidents en France, je serais intéressé de savoir avec qui nous allons négocier.  Je ne reviendrais pas sur les risques de l’annulation de la dette publique que j’avais déjà évoquées dans un article précédent :https://appelezmoiarthur.com/transition-ecologique-et-remboursement-de-la-dette-publique-deux-defis-quil-serait-temps-darreter-dopposer

Le risque d’une annulation, c’est la perte totale de crédibilité sur les marchés financiers, l’incapacité à financer les dépenses courantes (d’autant plus que le programme Lfiste est très généreux en matière de dépenses publiques !). Evidemment, LFI est contre toute mesure d’austérité.

La réponse est simple : si la France ne fait pas de réformes de fond pour réduire sa dépense publique – et la baisse de la note financière n’en est qu’un premier avertissement  – la confiance en la capacité française à rembourser sa dette baissera, les taux d’intérêts augmenteront et à moyen terme, cela fait courir un risque d’un abaissement de la note financière de toute la zone euro, et donc nous le comprenons, à long terme, une implosion de la zone euro. D’où le fait que la commission fasse pression sur la France (mais pas seulement) pour qu’elle réduise sa dépense.  Côté RN, cette question, ne semble pas un problème puisque évoquée nulle part, en même temps, ce n’est pas très populaire…

Pour financer les dépenses publiques la gauche a sa solution : l’ISF ! (Recettes : 5 milliards ; dette française :  3000 milliards). C’est la carte joker de la gauche : les superprofits, au RN ce sont les immigrés…

Les règles budgétaires  issues de Maastricht (pacte de stabilité et de croissance) sont décriées de l’extrême gauche jusqu’à la majorité.  Cette règle prévoit un déficit public limité à 3 % du PIB (annuel) ou une dette publique limitée à 60 % du PIB. Avec un déficit public à 5,5 % nous comprenons aisément que la majorité soit contre cette règle. Ces règles sont essentielles à être respectées, et il faut maintenir des règles budgétaires pour les pays de l’UE, puisque, nous le comprenons, la stabilité monétaire de la zone euro et la confiance économique en l’UE dépendent de notre capacité collective à rembourser nos dettes publiques. Le problème c’est que nous pouvons constater que ces règles sont inadaptées, ceci a été visible durant la crise Covid. En période « normale » ou « stable » (sans crise) 3 % du PIB en déficit est un objectif trop peu ambitieux, le véritable objectif devrait être 0 %, sinon nous continuons à créer de la dette publique. En période de crise, 3 % de déficit public est difficile à tenir. Il faut donc changer les règles : fixer une règle à 0 % de déficit public en période normale et un desserrement en cas de crises (choc asymétrique ou choc global) – il conviendra de définir  ce qu’est une crise- afin que les pays puissent relancer leur économie sans se soucier des règles budgétaires dans un court laps de temps.

Ecologie & énergie

Enfin, passons à l’écologie & l’énergie, thème central dans le contexte actuel de crise énergétique mais aussi de changement climatique.

Tout d’abord, sur la question énergétique :

Nous pouvons constater que même EELV a fini par reconnaître la nécessité de conserver le nucléaire à court et moyen terme. LFI, agissant en perdreaux de l’année sont a priori aussi compétents en transition énergétique qu’en gestion budgétaire et prônant une décarbonation complète en sortant du nucléaire.  Il est intéressant de constater que si nous avions écouté les prodigieux conseils de EELV, de LFI et d’une partie du PS, nous serions aujourd’hui dans la même situation que les allemands, soit, dépendants au gaz russe et donc dans l’inquiétude de savoir comment nous allons passer l’hiver prochain. Heureusement, nous n’avons suivi que partiellement la tendance à la fermeture des réacteurs, même si malheureusement François Hollande et Emmanuel Macron ont aussi largement contribué à saborder notre industrie nucléaire. Il est curieux aussi de voir le RN donner des leçons à la majorité sur ce sujet, alors que eux aussi, ont prôné jusqu’en 2017, l’arrêt du nucléaire.

Les seuls qui ont été intègres sur ce sujet : c’est la droite.

La réalité c’est que ni le modèle 100 % ENR ni le modèle 100 % nucléaire ne sont viables à long terme, c’est notamment la position défendue par Jancovici. Les risques du nucléaire sont certes réels mais extrêmement faibles. Il faut aussi se battre à l’échelle européenne pour que le nucléaire soit reconnu comme une énergie verte.

Concernant l’écologie en elle-même. La question du pacte vert s’est posée : celui-ci contient de nombreuses mesures, que je ne vais pas détailler ici. Deux parmi elles ont retenu l’attention : l’interdiction à la vente des véhicules thermiques neufs en 2035, la mesure « farm to fork » qui prévoit la réduction des pesticides, les mesures pour les passoires thermiques ou encore les ZFE.

Evidemment aborger toutes les mesures du pacte vert comme le proposent Reconquête et moins ouvertement le RN est un non-sens. Ce qu’il faut, c’est amender.

L’interdiction à la vente des véhicules thermiques neufs en 2035 n’est en soit pas une mauvaise mesure, mais il faut l’amender et notamment autoriser des dérogations pour le carburant synthétique, l’Allemagne a beaucoup travaillé sur son essor et il parait normale que cela soit intégré dans cette mesure.  De même, peut-être que cela pourrait être graduel en fonction des émissions de CO2 pour les véhicules neufs (réserver cette mesures aux véhicules neufs les plus polluants) . En clair, faire en sorte de ne pas exclure des millions de citoyens de la mobilité. Il faut avoir conscience que le pétrole devient rare et donc qu’il faudra développer des moyens alternatifs de mobilité et contrairement à ce que suggèrent l’extrême gauche et les écologistes, développer le train et le vélo ne sera pas suffisant. Il faudrait aussi développer des aides à l’échelle européenne pour l’achat de véhicules propres. L’enjeu est aussi le soutien à la reconversion des industries automobiles européennes. Beaucoup de fausses peurs sont néanmoins agitées sur cette mesure puisqu’elle concerne exclusivement les véhicules neufs, donc, non il ne sera pas interdit d’acheter des véhicules thermiques en 2035.

Voilà ainsi l’ensemble des enjeux économiques & environnementaux du scrutin. Je n’ai rien mis sur l’agriculture puisque ce blog contient déjà un article sur ce thème:Mobilisation des agriculteurs : A qui la faute et quelles réponses apporter ? (1/2): la dimension européenne – Appelez moi Arthur ! . Le prochain article évoquera les questions d’immigration, de défense et institutionnelles.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *