EcologieEconomie

Planification écologique : à la hauteur de la situation ?

Dans cette actualité un peu morose, un dossier est passé inaperçu, la présentation de la planification écologique française à la Commission Européenne le 21 Novembre après les annonces d’Emmanuel Macron du 25 Septembre 2023. Selon ses dires, l’objectif était de bâtir une écologie à la française censé répondre à un triple défi : le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité et la fin de l’abondance.  Cette planification écologique a été vivement critiquée, de tous bords : Yannick Jadot a considéré que ce n’était pas dans le « bon tempo »,  Marine Le Pen a jugé que « personne n’a compris », Marine Tondelier parle d’un « petit problème de crédibilité », en clair… Personne n’est content ! Pour mémoire, Elisabeth Borne en plus d’être Première Ministre est aussi en charge de la planification écologique et un secrétariat général à la planification écologique a été créé. Concrètement, ce qu’il s’appelle la planification écologique, c’est selon la Première Ministre : « plan collectif, concret et crédible qui doit aboutir à une stratégie complète, cohérente, concrète et efficace ». La question qui se pose maintenant est triple : Premièrement, est-ce que cette planification est suffisamment ambitieuse pour faire face au défi écologique ? Est-il aussi cohérent économiquement parlant ? Réaliste ? Est-ce que nous arriverons enfin en France à une écologie économiquement réaliste et qui soit pragmatique et non idéologique ? Bref, tout un ensemble de questionnements autour de cette thématique fondamentale. Pour analyser ce plan, nous allons voir tout d’abord les principales mesures de ce plan puis je ferai une analyse globale et des propositions pour améliorer.

Tour d’abord, un petit tour d’horizon des mesures annoncées.

Ce plan a ainsi été annoncé le 25 Septembre 2023,  il s’agissait de mesures assez transversales dans plusieurs secteurs économiques, principalement quatre : l’énergie, le transport, le logement et l’urbanisme, l’agriculture.

L’objectif affiché globalement, c’est d’aller 2,5 fois plus vite dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour mémoire, l’objectif est de réduire de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre (émissions nettes) d’ici 2030 par rapport à 1990. Pour atteindre cet objectif, il faudrait baisser de 5 % par an nos émissions de gaz à effet de serre. Pour l’instant, en 2022, les émissions de gaz à effet de serre avaient baissé de 25 % depuis 1990 avec une baisse de 2,7 % sur l’année. Voici ainsi un récapitulatif des mesures annoncées par le chef d’Etat :

Sur le volet énergétique, Emmanuel Macron a annoncé  la sortie définitive du charbon d’ici 2027 (l’objectif était 2022, mais celui-ci a été repoussé, entre-autres, à cause de la crise énergétique que nous connaissons depuis le début de la guerre en Ukraine. A ce jour, 2 centrales à charbon fonctionnent en France, c’est 0,6 % du mix énergétique français (source :la tribune.fr). Nous sommes très loin des chiffres allemands où on compte 101 centrales à charbon et cela représente 11% du mix énergétique (source : sciences et avenir).

Dans le même temps, il a été aussi annoncé une volonté de « reprendre le contrôle du prix de l’électricité », ceci notamment en référence au marché européen de l’électricité, qui provoque le fait qu’aujourd’hui la France paie son électricité beaucoup plus cher que son prix réel, puisque le prix de l’électricité est aujourd’hui corrélé à celui du gaz (ce qui amène à des prix de 600 €du mégawattheure au lieu de 60 à 70 euros en prix réel.).

Enfin, il a été annoncé le déploiement de projets d’éoliennes maritimes.

Du côté des transports,  il a été annoncé  une enveloppe de 10 milliards d’euros pour le développement des RER métropolitains.

De même, Emmanuel Macron a réaffirmé sa promesse de campagne d’un « leasing social » permettant d’avoir une voiture électrique à 100 euros par mois, mesure qui devrait être sur les rails (sans mauvais jeu de mots) dès le début d’année 2024.

Pour le logement et l’urbanisme : Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de tripler la production de pompes à chaleur, en créant une véritable filière de production, pour arriver à 1 million de pompes produites d’ici 2027 par an. De même,  il a été annoncé une enveloppe exceptionnelle de 5 milliards d’euros pour rénover les bâtiments publics.

Enfin, pour l’agriculture :  le chef d’Etat a annoncé vouloir réduire de 30 % la dépendance aux produits phytosanitaires, tout en réitérant le fait qu’il ne souhaite pas laisser les agriculteurs sans solution.

Pour financer tout cela,  Emmanuel Macron a annoncé augmenter l’enveloppe allouée à la transition écologique passant de 33 milliards d’euros par an à 40 milliards.

Quel bilan pouvons-nous tirer de ces annonces ?

Dans sa globalité, selon moi, le point positif majeur de ce plan est sa capacité à ne pas vouloir opposer écologie et économie, ce qui est notable. Le gouvernement semble avoir compris que le projet écologique se doit d’être économiquement viable et que l’objectif ne doit pas être la décroissance mais bien une réorientation. La décroissance, comme plusieurs graphiques peuvent le montrer, n’a pas à être une finalité et n’est en aucun cas un point de passage obligatoire (voir graphique ci-dessous), il s’agit d’avantage d’une revendication idéologique. Les bobos portant ce discours doivent l’assumer : ce n’est pas de l’écologie qu’ils promeuvent mais bien du marxisme.

Ainsi, ce plan a réussi à comprendre que l’écologie ne doit pas passer par une révolution anticapitaliste si chère à la NUPES mais bien par une réorientation de notre modèle économique.

Le deuxième point positif de ce plan est qu’il a réussi, pour une fois, à prendre en compte l’acceptabilité sociale et économique de la transition écologique (ce qui n’a pas toujours été le cas, notamment avec les ZFE).

Néanmoins, ce plan n’est pas exempte de reproches, bien au contraire.

Les transports

Premièrement, dans le domaine du transport, il a été annoncé des aides financières pour les RER métropolitains mais aussi, un leasing social pour permettre aux personnes à bas revenus de bénéficier d’une voiture électrique pour 100 euros par mois.

Est-ce que ces mesures vont dans le bon sens ? Evidemment que oui, la création de RER métropolitains est une nécessité absolue pour justement permettre au plus grand nombre de ne pas avoir à prendre sa voiture ou encore de permettre à plus de personnes de s’installer en banlieue sans avoir la crainte de ne pas pouvoir se rendre au travail en transport en commun. Le problème, c’est que cette mesure aurait dû être mise en place il y a 10 ans déjà, un RER métropolitain ne se fait pas du jour au lendemain ! Pour cela, cette mesure n’est pas à la hauteur des enjeux sur le court et moyen terme. Une question se pose alors : qu’aurait-il fallu faire ? Nous savons aujourd’hui, qu’il existe déjà des moyens ferroviaires  pour relier les villes aux banlieues, cela s’appellent les TER !  Cependant, se pose un problème majeur, c’est qu’il est souvent difficile pour les communes isolées de se rendre à une gare TER sans utiliser la voiture, ce qui pose souvent des problèmes importants, notamment pour les plus jeunes. La solution aurait plutôt été de promouvoir l’intermodalité, notamment en aménageant des lignes reliant les communes désenclavées aux gares les plus proches. Il faut aussi envoyer un signal prix et donc créer des abonnements attractifs pour les TER.  Il faut aussi renforcer la qualité du transport ferroviaire, il sera impossible de promouvoir le trajet ferroviaire quotidien tant que les cheminots se décideront à se mettre en grève une fois par mois et tant que les trains auront des horaires d’arrivée très aléatoires (rappelons  que l’IFRAP a publié une étude démontrant que la France est championne d’Europe des retards de train).

Le leasing social

Concernant le leasing social, là encore le diable est dans les détails. Les conditions n’ont pas encore été totalement publiées, mais le risque est encore clair : les classes moyennes risquent d’être exclues de ce dispositif, pourtant elles en auraient grandement besoin ! Ce qu’il aurait fallu mettre en place pour ce leasing social, c’est, premièrement de le décentraliser : il ne faut pas l’attribuer selon les revenus mais selon la nécessité de se déplacer quotidiennement en voiture. En clair, les personnes vivant en zones mal desservies par les transports en commun. Ensuite, un lissage devrait être fait en fonction des revenus, peut-être que les classes moyennes pourraient avoir droit à un leasing à 150 euros par mois au lieu de 100 euros, cela n’empêche pas que ça les aiderait grandement.  De même, cette mesure se heurte à des difficultés majeures, elle a été annoncée lors d’une campagne électorale sans tenir compte des réalités économiques et industrielles et sans aucune anticipation. Par exemple, les critères des voitures éligibles ont été publiés il y a 1 mois… pour être prêtes pour l’année 2024 ! Electoralisme ne rime pas avec réalisme et nous allons le voir par la suite, le réel problème de cette planification écologique c’est qu’elle contient beaucoup de mesures irréalisables !

A l’annonce de ces mesures, les associations écologistes ont déclaré que ce n’était pas une bonne chose de développer les véhicules électriques et qu’il vaudrait mieux réduire l’usage de la voiture individuelle. Néanmoins, il serait bon de rappeler pourquoi malgré les transports en commun, les français, comme d’autres pays, restent attachés à la voiture, les réponses sont simples : confort, sécurité, intimité, liberté. En faisant la guerre aux voitures, les verts-pastèques ne font que proposer une écologie de la régression et du déclin, au lieu d’une écologie positive qui devrait monter que l’écologie doit améliorer la vie des gens et non la détruire. Par exemple, sans parler d’écologie, il serait bon de se demander, pourquoi des femmes seules rechignent à prendre les transports en commun tard le soir, mais j’oubliais, selon les verts, l’insécurité n’est qu’un fantasme inventé par l’extrême droite !

Le logement et l’urbanisme

Sur le logement et l’urbanisme, il a été annoncé vouloir arriver à 1 million de pompes à chaleur  produites par an en 2027. Pour cela, selon Emmanuel Macron, il faudrait former 30 000 installateurs environ. Le problème étant que même si former 30 000 installateurs en 3 ans et demi, n’est pas infaisable mais extrêmement compliqué,  c’est qu’il faut pouvoir produire un million de pompes à chaleur, or, aujourd’hui, nous en produisons 350 000 par an. C’est en réalité beaucoup plus facile à dire qu’à faire, pour cela, il faut encore plus d’investissements et surtout attirer encore plus d’industriels :d’où le fait que crier à tue-tête « taxez les riches » et « il faut sauver la planète » dans la même phrase n’a pas beaucoup de sens, puisque si nous voulons bâtir une filière industrielle dans ce domaine, il faudra être attractif. Quand bien même, le temps de construire une usine et de bâtir toute une filière, l’année 2027 paraît complètement surréaliste.  Ce qui aurait judicieux aurait plutôt été de ne pas vouloir à tout prix garder cette ambition de « pompes à chaleur made in France » et plutôt chercher à équiper le plus de foyers possibles avec des pompes à chaleur, qu’elles soient françaises ou étrangères, cela devrait être la priorité, qui s’avère déjà complexe.

L’énergie et le financement

Sur l’énergie, les mesures annoncées paraissent cohérentes. Il faudrait néanmoins être légèrement plus dur dans les négociations concernant le marché européen de l’électricité, comment pouvons-nous accepter que la France continue d’être pénalisée pour payer les choix délibérés d’Angela Merkel de faire sortir l’Allemagne du nucléaire (pour faire plaisir aux Verts, merci à eux encore une fois). De même, nous pourrions regretter la faible place laissée à l’hydrogène vert, par exemple, dans le logement, pourquoi ne pas avoir développé les chaudières hydrogènes dans les logements ? Cela permet une autoproduction d’énergie considérable et des logements en sont déjà équipés en France !

Concernant le financement, j’ai déjà réalisé un article dessus (:Transition écologique et remboursement de la dette publique: deux défis qu’il serait temps d’arrêter d’opposer ! – Appelez moi Arthur !). Sans vouloir revenir dessus, il estimé que la transition écologique devrait nécessiter entre 60et 70 milliards d’euros, pour l’instant, nous devrions être à 40 milliards d’euros par an. Rappelons-le, la solution n’est ni l’endettement ni la hausse de la fiscalité (qui ferait baisser les investissements industriels, ce qui n’est pas compatible avec les impératifs de relocalisation industrielle et de modernisation de notre économie). Se pose alors la question de réduire sensiblement notre dépense publique pour parvenir à financer d’autres investissements, notamment dans la transition écologique. La politique budgétaire doit être la suivante : moins de dépenses publiques, plus de dépenses d’investissement ; pour l’instant, nous faisons l’inverse !

Se pose néanmoins la question de l’effort à réaliser pour rénover les passoires thermiques, alors que l’échéance du 1er Janvier 2025 approche, date à laquelle les logements classés G seront interdits à la location. D’une part, il est certain que cette mesure est trop brutale, et qu’il faut plutôt l’aménager que de foncer tête baissée. De même, toutes les associations, à l’instar de « Dernière rénovation » réclament une rénovation globale des logements, c’est très beau sur le papier, mais ça se heurte à deux questions : avec quel argent ? Et surtout, avec quelle main d’œuvre ? Car oui, nous ne pouvons pas former des artisans dans la rénovation locative en un claquement de doigt ! De même, le financement nécessaire est particulièrement conséquent  (Dernière Rénovation réclame 12 milliards), aujourd’hui nous sommes à un investissement de 7 milliards par an. Dépenser des milles et des cents risque d’être compliqué quand la dette va bientôt atteindre 117 % du PIB.  Il est donc essentiel de rappeler un point : la rénovation thermique, mais aussi plus largement, la transition énergétique, ne pourra se faire sans investissement privé, ce qui inclut entre autres, le fait que les particuliers mettent la main à la patte.

Le point faible de ce plan: le réalisme ?

Pour conclure, est-ce que le plan présenté par Emmanuel Macron est ambitieux ? En tous cas, il fixe une trajectoire visant à accélérer le processus de transition écologique. Il réitère néanmoins un certain nombre de mesures qui avaient déjà été annoncées par le passé (leasing social, RER métropolitains). La question que nous pourrions aussi nous poser, c’est : est-ce que ce plan est réaliste ? Là est la véritable question et nous voyons que les différentes mesures annoncées ne prennent que peu en compte les réalités économiques du pays. Encore une fois, cela nous rappelle l’immense nécessité de ne pas opposer l’économie et l’écologie mais plutôt de prendre conscience, que, sans une situation économique stable, aucune transition ne sera envisageable

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *