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Transition écologique et remboursement de la dette publique: deux défis qu’il serait temps d’arrêter d’opposer !

C’est le titre du dernier rapport de France Stratégie : « la transition écologique va alourdir la dette publique et ralentir la croissance ». Depuis, des appels de la part du ministre de l’écologie mais aussi du directeur général de la caisse des dépôts, se sont multipliés pour dire qu’il est nécessaire de privilégier le « remboursement » de la dette écologique à celui de la dette financière, puisque la première concerne notre avenir et que si nous ne faisons, vous le savez tous, nous allons tous mourir de chaud. Du moins, c’est ce que cessent de rappeler nos amis écologistes en sautant sur leur chaise, en considérant que la dette financière n’aurait aucune importance et qu’il est urgent de régler le problème écologique, le reste ne serait que foutaise, puisque, comme vous le savez, il faut sortir du capitalisme ! L’argent ne serait pas un problème, il faut absolument privilégier l’environnement. Loin de moi l’idée de vouloir relativiser les problèmes environnementaux et les conséquences de l’échec d’une décarbonation de notre économie. En revanche, opposer la dette financière et la dette écologique est littéralement aberrant et digne d’une discussion du café du commerce, c’est à peu près du même niveau que ceux qui, durant le covid, opposaient la santé à l’économie et considérait qu’il fallait absolument faire passer la première avant la seconde. Cela à revient à considérer que le problème de la dépense publique et celui de la transition écologique, n’ont aucun lien entre eux et que la dette financière et écologique sont deux problèmes différents. Or, la réalité est beaucoup plus complexe.

 Tout d’abord, petit rappel express de ce qu’est le problème de la dette publique

. En 2023, la France a dépassé les 3000 milliards de dettes publiques, cela signifie concrètement  que l’ensemble des engagements financiers pris sous forme d’emprunt par l’Etat français représente 111,6 % du PIB. Il est vrai que dit comme cela, cela peut paraître anodin, pourtant il est crucial de prendre en compte les conséquences d’une telle situation. Beaucoup de politiciens, Mélenchon en premier, considèrent que la dette publique ne serait pas un problème :

  • Premièrement, la plupart des observateurs, dont notre savant économiste reconnu, limitent la dette publique à celle détenu par la BCE. Pourtant, cela ne représente que 25 % de note dette.  En clair, seulement par le biais d’une décision de justice, nous ne pourrions annuler qu’un quart de notre dette souveraine.
  • Pour le reste, une annulation pose question : si nous annulons la dette publique, cela signifierait dire à ceux qui financent les emprunts français, que nous ne les rembourserons pas. Une question : comment financerons-nous nos futurs emprunts ? Si aujourd’hui, nous avons une dette publique colossale, c’est à cause du fait que, depuis 1965, notre budget a toujours été en déficit. Le problème étant que si nous annulons la dette publique, plus jamais nous n’aurons de créanciers qui auront confiance à investir dans la dette publique française.  En clair, cela poserait un problème gigantesque pour financer nos dépenses courantes.  Aujourd’hui, ce qui nous permet de nous endetter à un coût très faible, c’est le fait que les investisseurs aient confiance en notre capacité à rembourser la dette, ce qui est assez évident, c’est exactement la même chose pour un ménage ou une entreprise, une banque ne prête que si elle a confiance en leurs capacités de remboursement, quelle crédibilité avons-nous si la France décide de ne pas rembourser la dette publique ?
  • Enfin, une telle décision risquerait d’augmenter considérablement l’inflation, à cause d’une remontée des taux d’intérêts, puisque mécaniquement, une annulation de la dette publique conduirait à une hausse inexorable de l’inflation, à cause d’une création monétaire gigantesque mais aussi remontée des taux d’intérêts puisque, du fait de la baisse de la confiance des investisseurs, emprunter coûterait beaucoup plus cher.
  • Pour d’autres, il suffirait que la dette publique soit rachetée en partie ou totalité par la BCE. Une telle mesure serait néanmoins catastrophique puisque inflationniste, pour les mêmes raisons que citées précédemment, une inflation très forte à cause d’une création monétaire importante. 

De même, certains pourraient vous expliquer que la dette n’est absolument pas un problème, puisque des pays comme le Japon ont un taux d’endettement extrêmement élevés. Ceci est vrai, le taux d’endettement s’élève à 230 % pour le Japon, mais la différence avec la France, c’est que la dette publique n’est détenue qu’à seulement 6 % par des non-résidents,  quand en France, cela représente 50 %.

La réalité, c’est que la situation de la dette publique est absolument catastrophique au niveau français. Récemment, la France a vu sa note financière abaissée de la part de l’agence Fitch. Evidemment, un tel événement n’aura pas de conséquences radicales sur l’économie française, mais si cela devait se poursuivre, nous pourrions avoir à terme, une remontée des taux d’intérêts (à cause du manque de confiance des investisseurs) et donc, inévitablement, des conséquences inflationnistes.

Alors, la question maintenant, c’est quel est le lien avec la transition écologique ?

Assez basiquement,  la transition écologique va nécessiter des investissements colossaux, rien que la rénovation thermique du parc immobilier, des estimations chiffrent à près de 250 milliards d’euros, les montants nécessaires (source : FNAIM). Cela paraît assez évident, d’ici 2034, les logements classés E seront interdits à la location, cela concerne 38 % du parc immobilier (logement privé) en France. C’est ainsi que quand des militants écologistes ont la brillante idée de s’allonger sur le périphérique pour demander la rénovation thermique du parc immobilier, il serait bon de comprendre que toute la classe politique est en accord avec cela, une seule question se pose, et pas les moindres : comment finançons-nous un tel investissement ? Ils ont déjà une réponse toute faite : taxer les riches et les superprofits (la carte joker de la gauche quand il faut parler chiffres).

Petit rappel :

  • Rétablir l’ISF, rapporterait 5  milliards d’euros par an
  • Taxer les « superprofits » (d’ailleurs faudrait-il taxer l’Etat, qui avant tout le plus gros superprofiteurs avec tous les impôts qu’il amasse ?) :entre 1 et 3,9 milliards d’euros

En clair, cela fait un plan de financement à environ 10 milliards d’euros (arrondi en leur faveur), en considérant que tout cet argent est réinvesti dans la rénovation du bâtiment, cela ferait un apport total de 110 milliards d’euros maximum à l’horizon 2034, pour financer des investissements nécessitant 250 milliards au minimum.  Pour ceux qui ne l’auront pas encore compris, la gauche vous prend pour des imbéciles, mais en plus, elle le fait ouvertement.

Il est bien important, que, ici nous ne parlons  que de la rénovation thermique du parc immobilier, qui n’est qu’une partie (certes pas négligeable) de la transition écologique. Il serait ainsi bon de comprendre, que le financement ne pourra pas venir que de l’Etat mais devra aussi être privé, soit, venir des citoyens.

« Retraites, climat: même combat ? »

Nous allons revenir sur un slogan particulier : « Retraites, climat, même combat, taxez les riches ! » (vidéo en lien pour ceux qui ne voient pas ce que c’est). Nous avons ici, l’un des slogans les plus déficients que l’humanité ait pu inventer.

  • « Taxez les riches » et parler après de climat, c’est oublier une chose : pour réussir la transition écologique, il faudra des entreprises et des investisseurs privés. Or, pour cela, il faut créer un climat de confiance, exactement l’inverse de ce que proposent les écolo-pastèques qui veulent taxer les riches. Par exemple, récemment, une entreprise Taïwanaise a décidé de s’implanter à Dunkerque pour construire des batteries, ce qui risque d’être fort utile pour la transition énergétique. Si cette entreprise a choisi de s’installer en France, ce n’est pas pour profiter du soleil de Dunkerque, mais bien parce-que des mesures fiscales ont été prises : baisse des impôts de production, fin de l’ISF, de l’exit tax, flat tax sur le capital mais aussi des réformes, comme le code du travail, bref tout l’inverse de ce qui a été fait avant où le slogan présidentiel était « mon ennemi c’est la finance » et la seule ambition : taxer à 75 % les hauts-revenus. La compétitivité et la transition écologique sont intimement liés.
  • « Retraites, climat : même combat ! », je dois avouer que je n’ai jamais vraiment compris ce slogan, mais, au risque de vous surprendre, juste dit comme ça, en occultant le « taxez les riches » je pourrais être d’accord, mais pas pour les mêmes raisons. Explications ci-dessous.

La réforme des retraites récente, en plus de répondre à la nécessité de rééquilibrer le système qui est aujourd’hui déficitaire au niveau des recettes, visait aussi à restaurer la confiance en la capacité de la France à se réformer et donc à rembourser sa dette. C’est justement à ce stade que l’écologie rentre en ligne de compte :  si nous sommes incapables de mener des réformes permettant de baisser notre dépense publique, les marchés financiers n’auront plus confiance en la capacité de la France à rembourser sa dette, ainsi les taux d’intérêts peuvent remonter, et concrètement, financer de gros investissements, comme la transition énergétique, sera très difficile voire impossible. Donc, oui, il faut des réformes de l’Etat, des réformes structurelles pour baisser la dépense publique, afin de rassurer sur notre capacité à rembourser la dette et donc obtenir des emprunts à taux réduits, pour financer de gros projets. La réforme des retraites récente va dans ce sens, mais elle est insuffisante, il faut quelque chose de réellement ambitieux.

Pour les mêmes raisons, il serait bon de comprendre une chose : la France a des dépenses d’investissements extrêmement faibles, pourtant, elle est championne d’Europe de la dépense publique !  La raison est simple, les dépenses de fonctionnement sont trop importantes, et donc il est impossible d’augmenter l’investissement. La cause de cela : un Etat avec un parc immobilier trop important, un nombre d’emplois publics inimaginables, un nombre d’échelons administratifs et territoriaux incommensurables, des dépenses sociales insuffisamment soumises à contrôle. Des économies sont possibles, encore faut-il du courage, ce que la France n’a pas, et c’est justement ce que nous reprochent certaines agences de notation.

Faire abstraction du défi de la dette publique, c’est menacer notre capacité à terme, à surmonter le défi écologique et climatique.

Pour résumer et conclure, nous avons compris que les solutions simplistes du type « taxez les riches » pour financer la transition écologique risquent d’être assez limitées et surtout de présenter des conséquences néfastes sur notre capacité à résoudre ce défi. Néanmoins, il serait bon de comprendre que faire abstraction du défi de la dette publique, c’est menacer notre capacité à terme, à faire des dépenses d’investissement qui seront déterminantes dans notre capacité à résoudre la crise écologique, du moins à la surmonter. Aujourd’hui, l’Etat ne peut investir massivement dans la transition écologique, comme il devrait sans doute le faire, pour la simple raison que nous avons des dépenses de fonctionnement colossales.  Les souverainistes de pacotille qui considèrent que la dette publique n’est pas un problème, devraient avoir une chose en tête : trop de dette publique, c’est moins de souveraineté et plus de dépendance à l’égard des créanciers qui sont étrangers, et surtout, le risque, à court et moyen terme, de se retrouver sous la tutelle du FMI (chose à laquelle je suis plutôt favorable cela dit et que je considère comme inévitable, puisque, visiblement,  les français, ne veulent pas de réformes). Ceux qui ne sont pas convaincus n’ont qu’à demander aux Grecs ce qu’ils en pensent, de toute manière nous risquons bientôt de rejoindre leur situation de 2016. Comme je l’ai déjà dit, nous avons une jeunesse qui se mobilise pour le péril écologique, à quand la même jeunesse se mobilisera-t-elle contre l’inaction des gouvernements à résorber la dette publique, puisque, nous l’avons compris, ce sont les mêmes combats et les deux défis majeurs qui attendront notre génération et les deux sont intimement liés. Je finirai sur la même conclusion que j’emploie depuis plusieurs articles déjà : à quand des cours d’économie obligatoires dès le collège ?

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