Autres

Elections législatives 2024 : Les bords de l’abîme

Un scrutin en chasse un autre, une crise en chasse une autre. Tel pourrait être le résumé des semaines que nous venons de vivre mais aussi des semaines que nous vivrons. Dissolution de l’Assemblée Nationale, Tentative d’alliance LR-RN capotée puis finalement maintenue à moitié, Union des gauches contre-nature… Les semaines passées ont révélé son lot de surprises et les semaines à venir devraient aussi être très animés.  Les élections européennes ont donné une large victoire au RN, en sera-t-il ainsi aux législatives ? Nul ne peut le savoir, cela semble être l’option la plus probable mais rien n’est joué.  Une chose est sûre cependant, le pays n’a jamais été autant au bord du précipice : jamais la perspective d’une victoire des extrêmes n’a été aussi proche, et jamais aussi la perspective d’un chaos ou d’un pays ingouverné et ingouvernable n’a été aussi probable.  Alors que deux pôles aux programmes délirants font la course en tête dans les sondages, la modération, la rationalité, le sérieux, ne semblent plus faire partie de ce monde. Ces élections auront le mérite de clarifier certaines choses :  nous avons compris que le parti socialiste qui vantait la modération et le sérieux a choisie de se payer la tête de ses électeurs, de vendre son âme et de brader ses convictions en rejoignant une alliance complètement contre-nature avec plusieurs partis d’extrême gauche. Quand à la droite, certains députés ont aussi préféré faire jouer leurs aventures personnelles au détriment de ce qu’a toujours été la vocation de la droite républicaine héritière du gaullisme : l’indépendance et l’étanchéité face au RN.  Rien n’est enthousiasmant dans ce tableau et les jours qui viennent ne risquent pas de l’être beaucoup plus : à quelle sauce la France sera-t-elle mangée ?

Le nouveau front populaire ou le club des opportunistes

C’était inattendu, il faut le dire, quasiment tous les partis de gauche et d’extrême gauche : du parti socialiste au nouveau parti anticapitaliste, en passant par LFI, les Verts, le PCF et j’en passe, ont choisi de se réunir dans cette alliance de la carpe et du lapin pour proposer un projet tout aussi folklorique que l’alliance en elle-même.

Avant de s’intéresser au programme électoral et particulièrement à l’aspect économique et social qui est particulièrement bien gratiné, intéressons-nous aux partis qui constituent l’alliance.

Nous avons appris samedi dernier, à la surprise générale, que François Hollande serait candidat pour le Nouveau Front Populaire, au même que près de 175 candidats socialistes. Cela signifie donc que sous la même bannière : nous avons donc dans la même alliance : François Hollande qui a porté la loi El Khomri,  le CICE, le Pacte de compétitivité, l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans et Philippe Poutou qui fait partie du NPA, parti politique  qui a inscrit dans ses statuts fondateurs l’abolition de la propriété privée…

Avant que cette alliance ne se constitue, Raphaël Glucksmann exigeait quelques conditions, parmi elles : le soutien ferme à la résistance Ukrainienne,  le soutien ferme à la construction européenne,  le refus de la brutalisation du débat public,  la reconnaissance claire du Hamas comme un mouvement terroriste et la condamnation sans équivoque de l’antisémitisme. Voyons ce qu’il en est :

  • Le soutien ferme à la résistance Ukrainienne ? Le programme prévoit bien une aide militaire à l’Ukraine (ce sera le seul point que la nouvelle alliance a respecté)
  • Soutien ferme à la construction européenne ? Le NFP se dit pour rester dans l’UE mais propose de refuser toutes les règles qui émanent de l’UE (droit de la concurrence, pacte budgétaire, le rejet de la politique extérieure commune), c’est donc bien une alliance eurosceptique et non en faveur de la construction européenne
  • Le refus de la brutalisation du débat public ? Raphaël Anrnault, a été investi candidat dans la première circonscription du Vaucluse par cette alliance. Il est fiché S,  a frappé l’influenceuse Mila, a menacé ouvertement une de ses opposants de lui mettre une balle dans la tête    (la présidente du Collectif Némésis avec qui je partage beaucoup de désaccords certes)  et qui est aussi connu pour présider la jeune garde antifasciste organisation connue pour ses actes de vandalisme lors de manifestations ou de violences à l’égard de ceux qu’ils nomment les « fachos » soient tous ceux qui sont moins à gauche que Mélenchon.
  • La reconnaissance du Hamas comme mouvement terroriste ?  Le programme reconnaît les actes du Hamas comme étant terroristes mais ne reconnaît absolument pas le Hamas comme tel.
  • La condamnation de l’antisémitisme ?  Le NFP a investi un candidat qui parlait de Raphaël Glucksmann comme étant un « sioniste de droite libérale ».

Nous constatons que Raphaël Glucksmann a lui aussi bradé ses convictions en acceptant une alliance qui ne respecte qu’une seule de ses conditions. Plus largement, cette alliance se nomme « Nouveau Front populaire » en hommage au Front Populaire de 1936. Ceci est tout simplement honteux.  Léon Blum a été déporté parce-que juif, aujourd’hui ceux qui se revendiquent de son héritage vont peut-être amener Jean-Luc Mélenchon au pouvoir, lui qui disait il y a 15 jours que l’antisémitisme est résiduel en France (selon le ministère de l’intérieur les actes antisémites ont augmenté de 300 % en 2024), qui a asséné des contre-vérités honteuses sur les ghettos de Varsovie ou encore qui a refusé de reconnaître les Pogroms du  7 Octobre comme des actes de terrorisme.

Un chiffrage délirant

Voici les principales mesures :

  • Le SMIC à 1600 euros nets (2000 € brut donc)
  • Le blocage des prix des biens de première nécessité
  • Le retour à la retraite à 60 ans
  • Revalorisation des APL de 10 %
  • Mise en place d’un revenu étudiant
  • Indexation des salaires sur l’inflation
  • Encadrement des loyers

Ce programme propose aussi d’indexer les retraites sur l’inflation, en omettant de préciser que c’est déjà le cas…

Au-delà du fait que nous pourrions croire que ce programme a été rédigé par un enfant de cinq ans, il serait bon de s’interroger sur le chiffrage du programme :

  • Le SMIC à 1600 euros nets : coût estimé 19 milliards d’euros (chiffrage institut Montaigne)
  • La retraite à 60 ans : coût estimé 26,5 milliards d’euros
  • Revalorisation des APL : 1,5 milliards d’euros
  • Revenu étudiant : aucune idée du montant à ce jour, mais en se basant sur le programme de la NUPES en 2022 : entre 20 et 30 milliards d’euros (chiffrage Institut Montaigne)
  • Blocage des prix : 20 milliards d’euros (Institut Montaigne)

Cela nous fait donc un total de 87 milliards d’euros de dépenses annuelles en prenant la fourchette basse. Le NFP est très généreux, mais se pose une question : qui paie ? Et heureusement, il a la solution :taxer les ultra-riches ! C’est la carte joker de la gauche, celle du RN c’est de virer les étrangers…

Le programme prévoit ainsi le rétablissement de l’ISF, la taxation des superprofits ou encore le retour de l’exit tax.

Pour mémoire, l’ISF rapportait 5 milliards d’euros, la taxation des superprofits selon l’IPP rapporterait au maximum 625 millions d’euros,  et l’exit tax rapporte 300 millions d’euros à l’Etat.

Bilan : le NFP prévoit de financer 68 milliards d’euros de dépenses annuelles au minimum par moins de 6 milliards d’euros de nouvelles recettes, le tout sans faire la moindre économie dans le budget de l’Etat…  Et des gens votent pour ça !

Cela sans parler des effets délétères d’une hausse du SMIC à 1600 euros nets (donc 2000 bruts) sur les TPE/PME, sans parler des effets potentiellement néfastes d’un retour de l’ISF sur l’investissement et du signal que cela enverrait aux entrepreneurs qui souhaiteraient éventuellement s’implanter en France…

Le RN  grand seigneur !

Au Rassemblement National, aucune idée de ce que sera le programme économique. Il faut dire que si le projet est de s’allier avec une partie des LR cela signifierait un très grand écart : le RN voulait la retraite à 60 ans LR la veut à 65, le RN veut rétablir l’ISF LR était favorable à sa suppression,  LR était favorable à la réforme de l’assurance-chômage (et prônait même d’aller plus loin) le RN est contre. Hâte de voir ce qu’ils feraient sur ce thème s’ils arrivaient au pouvoir !

En attendant, si le Rassemblement National compte réitérer son projet économique de 2022 (TVA à 0 % sur les produits de première nécessité, baisse de la TVA sur l’énergie, suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans,  nationalisation des autoroutes, prêt de 150 000 euros à taux zéro pour les ménages qui ont un enfant) cela fait un total de 120 milliards d’euros de dépenses ou de pertes de recettes.  (détail du chiffrage dans cet article précédent :Marine Le Pen au second tour : ne laissez jamais passer l’extrémisme ! – Appelez moi Arthur ! ). Un programme très approximatif avec des cadres du parti qui semblent à ce stade incapables d’expliquer leurs mesures : la réforme des retraites sera-t-elle abrogée ? Comment finance-t-on tous les cadeaux fiscaux et dépensiers qu’ils promettent  (leur seul plan de financement est d’expulser les immigrés et de réduire la contribution française au budget de l’UE, chose impossible sans demander l’avis des institutions). D’ailleurs, comment appliquer le programme du RN en restant dans l’Europe ? Le RN parle de désobéir aux traités européens, comme le NFP, donc cela reste aussi particulièrement hasardeux puisque soumis à des changements à l’échelle européenne. A moins que le projet ne soit un frexit caché…

Le vainqueur est déjà connu, il a un nom : démagogie !

Je ne m’amuserai pas à faire de pronostics qui à me stade me  paraît littéralement impossible : tout se jouera au niveau du taux de participation qui, s’il devait augmenter réduirait le seuil d’accession au second tour.  Une chose reste sûre : les résultats du premier tour permettront déjà de se faire une idée. Si nous devions assister à une multitude de duels RN-NFP, ce sera une victoire pour le RN, car les indicateurs laissent entendre que cette configuration est très favorable au RN.

Ne pas choisir entre le Nouveau Front populaire et le Rassemblement National

Est devenue une mode chez les journalistes, alors même que les résultats du premier ne sont pas tombés de demander à tous les politiques qui ne font pas partie des deux extrêmes : « que voteriez-vous en cas de duel NFP-RN ? ». La majorité fait une immense erreur en disant que la consigne devrait être différenciée selon que le candidat NFP soit du PS ou de LFI. Cette distinction est une erreur : oui le PS n’a pas la même histoire que LFI mais il a choisi délibérément de s’allier avec ce parti, afin de porter d’une part un projet suicidaire mais aussi une arrivée potentielle de Mélenchon aux fonctions (puisque si LFI venait à être le parti avec le plus de députés ce qui est possible puisque c’est le parti de la coalition qui a le plus de candidats investis, le premier ministre serait issu de ce parti).  C’est aussi prendre le risque de voir nommées des personnalités folkloriques au gouvernement : Mathilde Panot, Louis Boyard et même Philippe Poutou. Voter pour le parti socialiste (ou pour EELV ou le PCF) c’est voter Mélenchon. De l’autre côté, c’est l’inculture économique : voter pour le RN ou les LR-RN, ce serait accepter d’amener un pouvoir quelqu’un qui n’a jamais travaillé de sa vie et qui a autant de compétences en politique que McDo en diététique. C’est assumer d’amener au pouvoir un projet économique suicidaire. Cela veut donc dire une chose : dans le cadre d’un duel NFP-RN, il faut voter blanc et en tous cas cela sera mon choix si la situation devait se présenter dans ma circonscription, peu importe le parti du candidat investi par le NFP. Ce sont deux extrêmes qui portent tous deux un projet délétère. Dans certains cas néanmoins, pour les candidats les plus controversés du NFP : Raphael Arnault, David Guiraud, Mathilde Panot, Louis Boyard, Danièle Obono, bref ceux qui n’ont eu aucune difficulté à flatter un antisémitisme ambiant et qui ont refusé de condamner le Hamas en tant qu’organisation terroriste, pour ces personnalités un Front Républicain doit leur être opposé peu importe le parti du candidat en face au second tour, cela incluant le Rassemblement National.

Le Président du Chaos

Entre ces deux blocs extrêmes dépourvus de tout républicanisme, il  y a un troisième bloc, émietté, celui du camp présidentiel. Victime de son bilan notamment très mauvais en matière de dépense publique, de ses reniements sur de nombreux sujets, à vouloir fracturer la droite et la gauche classiques, le camp présidentiel se retrouve pris en tenaille entre deux blocs extrêmes. Emmanuel Macron a une responsabilité immense dans ce qu’il se produit : en dissolvant l’Assemblée, le chaos et le risque d’un pays ingouvernable étaient plus que prévisibles. C’est une faute politique qui témoigne d’un certain narcissisme du chef de l’Etat avec une stratégie « moi ou le chaos » alors que le chaos aujourd’hui, c’est bien lui qui en est à l’origine. Le camp présidentiel s’adonne lui aussi à la démagogie  avec une proposition surréaliste de suppression des frais de notaires sur les achats de primo-accédants à moins de 250 000 euros, alors que ce même gouvernement a déjà liquidé les caisses des collectivités territoriales par la suppression non compensée de la taxe d’habitation et prône donc de mettre encore plus à sec le budget des communes avec cette proposition.

Cela montre une chose: il n’y a plus de « parti du sérieux » en France

Cela montre une chose : il n’y a plus de « parti du sérieux » en France. Aucun parti n’incarne aujourd’hui la crédibilité budgétaire alors que la France est passée en procédure pour déficit excessif.  La seule solution pourrait être l’émergence d’une force politique, à ce jour inexistante , qui porte  des réformes économiques amitieuse alliant compétitivité et rétablissement des comptes publics, qui propose une transition écologique ambitieuse mais pas décroissante et qui prône enfin un rétablissement de l’autorité de l’Etat partout sur le territoire alors que les indicateurs de la violence sont en hausse. Cette force là n’existe pas aujourd’hui et le paysage politique actuel n’en laisse pas entrevoir le début de son apparition .  Néanmoins, cela ne doit pas faire oublier que l’arrivée du NFP ou du RN serait encore pire et que face à ces partis,  lors du second tour, il sera nécessaire de faire un barrage républicain si ces coalitions extrémistes venaient à être opposées à un candidat Renaissance, LR non ciottistes ou divers droite. C’est aujourd’hui essentiel au moins pour des considérations économiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *