Allocution d’Emmanuel Macron : non ce n’était pas « rires et chansons », c’était bien une allocution présidentielle…
Mardi dernier, Emmanuel Macron a choisi de s’exprimer via une allocution télévisée, pour la 9ème fois depuis début 2020, à croire que c’est devenu un nouveau mode de communication, très martial. Cela dit, cette allocution devait normalement être dédiée en grosse partie au covid-19 face à une remontée des cas, évoquer la reprise économique et évoquer les réformes à venir… Au total, sur 27 minutes d’allocution, le covid-19 aura occupé 9 minutes, le reste étant entièrement dédié à la valorisation du soi-disant « bilan » du Président jupitérien. Avec seulement quelques annonces : la 3ème dose obligatoire pour les plus de 65 ans à partir du 15 Décembre et le masque obligatoire pour les élèves en école primaire. Il est donc évident que la troisième dose a été une excuse en or pour le Président centriste pour se faire mousser. Dans tous les cas, il n’a pas manqué de montrer qu’il était le meilleur, le plus fort, qu’il a redressé le pays et que c’est le meilleur… Son pantalon devait être sacrément trempé à la fin de ces 28 minutes. Dans tous les cas, il faut reconnaître qu’il dispose d’une capacité incroyable à défendre un bilan quasi-inexistant en matière de réformes structurelles, il aurait pu être un excellent avocat dans une autre vie.
Une allocution présidentielle ou un meeting ?
Soyons honnêtes, tout le monde est en mesure de comprendre que cette allocution était en fait une vidéo de campagne, mais face à un Président qui prétend avoir bouleversé la France il faut quand même analyser les choses de manière pragmatique.
Tout d’abord, après avoir réalisé un exposé de SVT sur le covid-19, Emmanuel Macron a fait l’éloge de son bilan économique et notamment de toutes les aides qui ont été attribuées aux entreprises et du plan de relance et notamment du « quoi qu’il en coûte ». Il n’a pas manqué de citer quelques chiffres pour bien appuyer son bilan : 6 % de croissance, le chômage au plus bas… Tout cela est vrai et est remarquable, pour autant, il affirme par la suite que « Nous avons réussi cela en maîtrisant nos dépenses publiques », un chiffre : 115,1 % du PIB, c’est le montant de la dette publique aujourd’hui, il était de 97,6 % fin 2019. Les chiffres sur le chômage et la croissance sont bons, c’est vrai, sauf qu’il ne faut pas oublier que l’économie française est aujourd’hui sous perfusion et que cela va prendre fin, les conséquences de la crise vont commencer à se faire sentir le jour où ça s’arrêtera.
Le covid-19 ça va deux minutes, place au programme présidentiel (ou électoral ?)
a ensuite évoqué tout son bilan économique, en commençant par déclarer par « le travail paie mieux » en évoquant notamment : la défiscalisation des heures supplémentaires, « des baisses d’impôts inédites » et la revalorisation de la prime d’activité.
Premièrement, la défiscalisation des heures supplémentaires, en soit, c’est du pouvoir d’achat supplémentaire, le problème étant que si ces heures supplémentaires ne coûtent pas 1 euro au salarié (ce qui est plutôt normal, il est volontaire pour travailler plus, il faut le valoriser) elles coûtent toujours autant à l’employeur, ce qui le dissuade de demander à ses salariés de faire des heures supplémentaires. La vraie « défiscalisation des heures supplémentaires » était celle entreprise sous Nicolas Sarkozy : 0 cotisation salariale et 0 cotisation patronale, pourquoi ne pas avoir rétabli pleinement cette mesure? En attendant, il ne faut pas oublier que celui qui a supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires, c’était François Hollande en 2013, et son conseiller économique à cette époque, n’était autre … Qu’Emmanuel Macron ! Concernant les « baisses d’impôts inédites » de quoi parle-t-on ?
- La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des français (les plus modestes)
- La baisse de l’impôt sur le revenu de 14 à 11 % pour la première tranche
Le seul problème étant que cette mesure ne concerne que les ménages les plus modestes, les classes dites « populaires » en revanche, les classes moyennes ne sont absolument pas concernées, par ces deux mesures : un individu qui gagne 2200 euros par mois paie 30 % d’impôt sur le revenu, cela représente 660 euros par mois, c’est colossal et rien n’a changé. La suppression de la taxe d’habitation ne concerne que les foyers les plus modestes, et encore une fois, rien n’a changé pour la classe moyenne…
La revalorisation de la prime d’activité, c’est le même problème, cela concerne que les plus démunis. Bien évidemment que c’est important d’aider les plus démunis, mais si dans le même temps, aucun geste n’est fait pour la classe moyenne, c’est indécent.
Maintenant le social
De plus belle, Emmanuel Macron a continué en faisant l’éloge de la réforme de l’apprentissage, une réforme quasi-insignifiante face à l’ampleur du chantier que nécessite l’apprentissage : aucune harmonisation des contrats d’alternance, pas d’exonération de charges pour les contrats d’alternance, pas d’élargissement du bonus-malus pour l’apprentissage… Mais surtout, il n’a pas manqué de présenter la réforme de l’assurance-chômage comme son petit bijou… Une réforme très molle qui n’impacte quasiment que les cadres alors qu’il aurait plus juste d’instaurer une dégressivité pour tous et de simplifier le régime de l’assurance-chômage, devenu aujourd’hui illisible. Il présente également une mesure qu’il semble considérer comme étant « révolutionnaire » : la suspension des allocations en cas de refus d’offres d’emplois raisonnables… Sauf que cela existe déjà ! Encore un effet d’annonce… Il a ensuite évoqué la réforme des retraites et a préconisé de reporter l’âge légal de départ, de supprimer les régimes spéciaux, il a raison, mais pourquoi ne l’a-t-il pas ait pendant 5 ans ? Le covid-19 a bon dos, il fait office d’excuse de la part du gouvernement, ne jamais oublier cependant que le covid-19 est arrivé en 2020 et Emmanuel Macron en 2017…

Le Président du travail
Emmanuel Macron, a, par la suite, réalisé une longue tirade accompagnée d’anaphores du mot « travail », dixit celui qui n’a pris aucune mesure pour faire en sorte que l’assistanat ne soit pas aussi attractif que le travail (en refusant notamment de conditionner le RSA). Le mot « travail » a été mis en valeur pour résumer toute son action, il faut savoir que Emmanuel Macron va même jusqu’à défendre son bilan en matière de sécurité, à l’heure où les violences contre les policiers ont considérablement augmenté (+40 % en seulement 10 ans) et qu’aucune mesure pénale n’a été prise. Il ne manque pas par ailleurs de citer le fameux Beauvau de la sécurité, dont la seule grande mesure qui en a émergé est le changement des uniformes pour les forces de l’ordre… Par ailleurs, il dit très clairement que la loi de programmation de sécurité intérieure qui doit être le résultat de cette grande consultation ne sera présentée qu’au premier trimestre 2022, soit quand il ne sera plus en exercice. Et enfin, le meilleur pour la fin, Emmanuel Macron, s’est auto-proclamé comme étant le premier Président de la République « pro-nucléaire ». Venant de la part de celui qui a été élu en promettant de réduire la part du nucléaire, venant de celui qui a nommé un ministre de la transition écologique qui a déclaré dans la même journée « Dans 20 ans toutes les voitures seront électriques » et « On va fermer 50 % des centrales nucléaires », venant de la part de celui qui a nommé deux antinucléaire au poste de ministres de la transition écologique (De Rugy et Pompili), c’est très fort… C’est néanmoins rassurant qu’Emmanuel Macron soit enfin revenu à la raison au bout de 4 ans sur ce sujet, et se soit rendu compte que le nucléaire est indispensable pour reconquérir notre souveraineté énergétique et surtout pour lutter contre le réchauffement climatique. De là à couronner Emmanuel Macron comme un président « pro-nucléaire », j’appellerais ça du « nuclearwashing »…
Pour conclure ? Emmanuel Macron est bien candidat à l’élection présidentielle…
Dans tous les cas, mardi soir, ce n’était pas une allocution présidentielle qui avait lieu à 20 heures, c’était un meeting de campagne, Emmanuel Macron est très clairement en campagne. Quelque chose est tout de même fortement interpellant, Eric Zemmour, qui à ce moment présent ne s’est toujours pas déclaré candidat mais a vu son temps de parole décompté (pour le CSA, il n’y a plus de frontières entre son rôle de chroniqueur et sa candidature à la Présidentielle). Pourquoi, n’y a-t-il pas égalité des candidats ? Pourquoi Emmanuel Macron qui ne s’est pas officiellement candidat, mais déjà en campagne ne voit-il pas son temps de parole décompté ? Dans un régime démocratique, tous les candidats doivent être traités au même niveau…