Société

Universités : Quand l’entre-soi et l’extrême gauche conduisent à l’antisémitisme

C’était l’évènement du 12 mars dernier à Sciences po Paris, l’exclusion d’une étudiante juive d’un amphithéâtre occupé par des militants pro-palestiniens en « soutien à gaza ».  Cette étudiante juive, qui est membre de l’UEJF a été empêchée d’accéder à l’amphithéâtre, avec notamment des propos tels que « Ne laissez pas rentrer, c’est une sioniste ». Une enquête aura lieu, à l’heure qu’il est ce sont des accusations, mais des témoins  présents dans l’amphi ont rapporté que des propos antisémites ont bien été tenus. Du côté, des étudiants organisateurs de cette occupation, c’est-à-dire membres pour une grande partie de l’UNEF, on dit qu’il n’y pas eu de propos antisémites. Nous prendrons le soin de laisser le bénéfice du doute aux étudiants accusés mais étonnamment, cette gauche si prompt dans le passé à sacraliser la parole de plaignants au risque de parfois marcher sur la présomption d’innocence, n’accorde aucune légitimité à la parole de la plaignante et la présume menteuse. Encore une fois, deux poids deux mesures !

Les faits ont provoqué de nombreuses réactions politiques, Emmanuel Macron a parlé de « faits intolérables » ; Gabriel Attal a annoncé saisir la justice et Jean-Luc Mélenchon égal à lui-même, parle d’un « incident dérisoire », au moins nous pouvons lui reconnaître le mérite d’assumer pleinement son antisémitisme…  Le problème avec ce fait, est qu’il a parallèlement réveillé un populisme anti-intellectualiste d’extrême droite avec notamment des appels à supprimer les subventions publiques  à Sciences po Paris (en omettant le fait qu’une majorité des étudiants – et heureusement- ne se reconnaît pas dans ces propos), qui nuisent directement au prestige universitaire français qui est, entre autre, incarné par les IEP.

Dans tous les cas, il est bon de rappeler qu’un nombre important d’organisations de gauche et d’extrême gauche universitaire sont coutumières du fait :ce n’est pas le premier épisode antisémite dans des universités, et particulièrement depuis le 7 Octobre.  Evidemment, l’idée n’est pas de considérer que l’émoi à l’égard des civils palestiniens vaut antisémitisme, évidemment que la riposte Israélienne est totalement disproportionnée, mais, il est aussi bon de rappeler que le Hamas est une organisation terroriste et que le meilleur moyen d’aboutir à un cessez-le-feu ne peut être qu’une libération des otages. De même, même si, encore une fois, l’attaque Israélienne est disproportionnée, il est aussi nécessaire de comprendre l’émoi des Israéliens, qui ont vécu, le 7 Octobre, un fait tragique et qui a bel et bien été un pogrom.

L’antisémitisme à l’université

Un sondage Ifop paru en Septembre 2023 (soit avant le 7 Octobre) déclare que 91 % des étudiants juifs disent déjà avoir été victimes d’actes antisémites. Le climat de tension s’est amplifié depuis le regain des tensions à Gaza, entre des inscriptions incitant ouvertement à la haine ou des insinuations généralisatrices à l’égard des « sionistes » qui menacerait finalement, tous ceux qui souhaitent faire preuve de nuance ou exprimer leurs compassions à l’égard des victimes du terrorisme lors du 7 Octobre. L’UNEF a sa cible, elle condamne l’antisémitisme mais qui selon elle viendrait exclusivement de l’extrême droite. Pour autant, les propos ambigus voire carrément antisémites en milieu universitaire, ne viennent pas de groupuscules d’extrême droite mais bien d’extrême gauche. D’ailleurs, l’extrême droite est très peu influente et représentée au sein des universités à l’inverse de l’extrême gauche (ce qui ne veut pas dire que l’antisémitisme d’extrême droite, évidemment, bien au contraire). Enfin, il est bon de rappeler que les frontières idéologiques entre l’extrême gauche et une certaine extrême droite nationale-révolutionnaire sont de plus en plus poreuses : toutes deux sont antisionistes, anticapitalistes et viscéralement antiaméricaines. Preuve en est le soutien accordé par Alain Soral et le journal antisémite et négationniste Rivarol à Mélenchon.  L’antisémitisme est une composante intégrante de la matrice idéologique d’extrême gauche : dans l’imaginaire collectif, les juifs sont riches et l’extrême gauche a la haine des juifs.

La mainmise de l’extrême gauche

En bref, cet antisémitisme dans les facs est la conséquence d’une seule chose : la mainmise des mouvances d’extrême gauche sur ces milieux, par une surreprésentation de celles-ci chez les étudiants mais surtout par un milieu enseignant de plus en plus idéologisé, particulièrement dans le domaine des sciences humaines et sociales. La difficulté pour des intervenants plutôt marqués à droite de tenir des conférences dans les universités et particulièrement dans les IEP en est la démonstration, les mêmes qui n’ont en revanche aucun mal à inviter des personnes qui sont actuellement sous le coup de procédures pour apologie du terrorisme (cf : élus de la France Insoumise invités en conférence).

L’idéologisation progressive des universités

Souvenons-nous en 2021, Frédérique Vidal , ministre de l’enseignement supérieur de l’époque, avait, très courageusement dénoncé l’islamo-gauchisme dans les universités. Des propos qui avaient suscité une levée de boucliers inédite, y compris dans le gouvernement. Peut-être que le timing n’était pas le bon- les universités étaient alors pleinement touchées par la crise sanitaire- mais les faits sont-là, oui il y a une idéologisation des universités et c’était la première fois qu’une ministre de l’enseignement supérieur avait osé dénoncer ce phénomène.

Pour mémoire, l’islamo-gauchisme désigne l’acoquinement d’une partie de la gauche (de surcroît l’extrême gauche) et les milieux musulmans mais surtout la mouvance islamiste. C’est globalement la dénonciation de l’universalisme et de la laïcité à la Française sous prétexte que celle-ci serait islamophobe et qu’il faudrait l’aménager.  En témoigne, le jeu de pleureuses italiennes des insoumis quand il a été question d’interdire l’abaya en vertu de la laïcité de l’Ecole.

Cette idéologisation est présente dans les universités, et particulièrement dans les IEP. Un sondage paru lors de la présidentielle 2022 indiquait par exemple que 55 % des étudiants de sciences po paris ont voté Mélenchon. Cette idéologisation dans les IEP, s’est vue à plusieurs reprises : les blocages massifs l’an dernier contre la réforme des retraites, organisés par des étudiants d’extrême gauche avec le regard souvent clément des directions, faisant abstraction de toute conception démocratique et surtout de prise en compte d’étudiants qui n’étaient pas en accord avec le fait de bloquer les campus.

L’idéologisation est un phénomène réel dans les universités : la prise en main des études sur les inégalités hommes/femmes par le courant intersectionnaliste, l’enseignement des études de genre dans les facultés de sciences humaines et sociales sans contradiction (avec même une semaine thématique dans certains IEP),  la prédominance du courant bourdieusien dans les cours de sociologie et aussi de la théorie du déterminisme social (ce qui conduit à une politisation de l’enseignement sociologique). La politisation vient d’abord du corps enseignant avec une perspective marquée à gauche qui domine dans les unités de recherche de SHS avec un risque à long terme de formatage des étudiants. Quand « France Universités » a publié en Décembre dernier, un communiqué signé par de nombreux présidents d’université, qui, en la qualité de leur fonction ont émis leur inquiétude sur la loi immigration, puis se sont réjouis de sa censure partielle un mois plus tard, nous voyons, clairement, un entrisme idéologique au sein du milieu des enseignants chercheurs.

La censure: le cas typique de l’IEP de Grenoble

Cette idéologisation a néanmoins une face beaucoup plus sombre et plus grave quand nous connaissons les faits de l’IEP de Grenoble, lorsqu’un enseignant accusé d’islamophobie a vu son nom placardé sur les murs de l’établissement et s’est fait licencier pour avoir dit que l’islamophobie n’existait pas et que « l’islam lui faisait franchement peur », ce qui, rappelons-le, en France, est parfaitement légal (peu importe ce que nous pensons sur le fond de ces propos). La direction a donc mis à pied cet enseignant qui n’a été que très peu soutenu par la communauté éducative. Un exemple parmi tant d’autres de la mainmise de l’extrême gauche dans cet IEP. Le communautarisme dans les universités devient une nouvelle phase de cette idéologisation, en témoigne par exemple, en Juin, l’annulation d’une conférence de l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler sur le thème des Frères Musulmans, le tout sans aucune réaction de la direction. Quand Frédérique Vidal dénonçait l’islamo-gauchisme à l’université, nous avons la preuve que cela est un vrai constat.

Du gauchisme à l’antisémtisme : il n’y a qu’un pas !

Depuis le 7 Octobre, les rassemblements, manifestations, occupations au sein des universités en soutien à Gaza  se sont multipliées. Ce qui est critiquable en soit, n’est pas le soutien à Gaza mais bien le manque de nuance : il n’y a pas eu d’occupation ou de rassemblement pour dénoncer les violences commises par le Hamas le 7 Octobre. D’ailleurs,  la plupart des communiqués d’associations pro-palestiniennes condamnent à demi-mot ces évènements sans dire explicitement que c’est une organisation terroriste. Pire même, des associations étudiantes d’extrême gauche, très influentes comme Solidaires Etudiants n’ont pas fait un seul communiqué condamnant ouvertement ces évènements. De même, l’emploi de termes comme « génocide » ou « nettoyage ethnique » sont profondément gênants alors que les actes d’Israël n’ont pas été reconnus comme tel. Considérer la riposte Israélienne-  qui encore une fois est tout à fait contestable- comme un génocide, c’est mettre sur le même plan ces ripostes et la Shoah et donc c’est du révisionnisme, c’est relativiser la gravité de ce qu’a été le génocide des juifs.  Il n’y aucune volonté d’extermination systématique de tout individu d’une religion dans le projet Israélien. L’UNEF, en revanche, bien que critiquable sur beaucoup de points, a eu un discours assez clair, reconnaissant le Hamas comme une organisation terroriste et condamnant  les évènements du 7 Octobre. Le problème, c’est que certains de leurs référents, comme en témoigne un article paru dans Le Monde, parle d’un « projet sioniste », qui rappelle de manière équivoque un complotisme stipulant qu’il y aurait une volonté de domination sioniste, au Moyen-Orient et dans le monde.

Où était la gauche étudiante lors du nettoyage ethnique au Haut-Karabagh ?

Nous pourrions pousser la logique plus loin : il y a eu un nettoyage ethnique assez récemment, dans une certaine région du monde, au Haut-Karabagh, des Arméniens, littéralement victimes d’un nettoyage ethnique par l’armée Azérie : pourquoi n’y-a-t-il pas eu d’occupation ? De rassemblement ? D’occupations d’amphis ? Ne serait-ce pas parce que les victimes étaient chrétiennes ? Ne serait-ce pas parce-que les agresseurs venaient d’une République islamique ?

Ceci pose question sur les réelles ambitions des apprentis révolutionnaires dans les universités :  ne serait-ce pas finalement du communautarisme derrière cela ? En plus de cela, l’agresseur est juif, l’occasion de cracher une haine sur Israël, appelant à la destruction de cet Etat, et de finalement nier un droit à l’autodétermination du peuple juif, droit qui leur a été confié, rappelons-le après la Shoah. Critiquer Israël en employant le terme générique « les sionistes » ce n’est pas critiquer le gouvernement Israélien, ni la politique d’expansion territoriale Israélienne mais bien remettre en cause le droit du peuple juif à avoir droit à un foyer dans le monde.

Des universitaires complaisants ?

Quel rapport avec tout ce que nous avons dit ? C’est que les universitaires sont au courant des évènements qui se produisent dans l’enceinte de leur établissement et ne font rien, parce qu’il y a convergence idéologique avec une dominante des mouvances d’extrême gauche dans les études en lien avec le Moyen Orient. Ce sont les universités qui laissent faire une occupation d’amphi où sont proférées des comparaisons douteuses entre Israël et Hitler ou entre Israël et la Russie. Il ne faut pas oublier que les universités en France, sont nombreuses à tolérer la présence d’associations comme le collectif « Palestine vaincra » sur leurs campus, association qui renie le droit d’Israël à exister et qui dit que « l’existence de l’Etat d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste ».

L’entre-soi idéologique

Après les évènements du 12 Mars à Sciences Po, Gabriel Attal s’est rendu au Conseil d’Administration.  Tout de suite a eu lieu une levée de boucliers des enseignants qui ont parlé d’une « ingérence » notamment qui nuirait à la liberté académique. Rappelons deux faits : premièrement, la venue de Gabriel Attal vu le contexte était plus que nécessaire, et surtout, deuxièmement, la liberté académique est une chose mais la transparence en est une autre : Sciences Po est une école publique, payée avec des fonds publics et les enseignants sont des fonctionnaires : ils ont des comptes à rendre à l’Etat et le premier ministre a eu tout à fait raison de se rendre à un conseil d’administration de Sciences Po. Cette réaction témoigne surtout d’un entre-soi idéologique profond chez le corps des enseignants chercheurs et de l’impression d’une supériorité par rapport à la loi.

Pour conclure

Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est une reprise en main de Sciences Po mais aussi de toutes les universités, cela peut se faire simplement de la manière suivante : jusqu’à présent les directeurs d’université sont nommés par le ministère de l’enseignant, pour un mandat d’une durée de cinq ans renouvelable une fois, après un vote des enseignants de l’université en question. Cette nomination, est un usage et en aucun cas une règle écrite et si un ministre de l’enseignement supérieur souhaite nommer un directeur qui ne soit pas issu du vote des enseignants il le peut légalement. La seule chose qui reste à faire et donc, dorénavant, de nommer des directeurs qui ne soient pas issus du vote des enseignants, seul moyen de remédier définitivement à l’entre-soi idéologique dans les universités.  Il faut aussi une commission d’enquête sur l’antisémitisme à l’université comme cela a été réclamé par des députés. Enfin, il faut faire revenir sur la table le projet de pénaliser l’antisionisme en le reconnaissant comme une forme d’antisémitisme, puisqu’aujourd’hui l’emploi du terme « sioniste » est une manière édulcorée de pointer du doigt les personnes juives.

Ces évènements, devraient tous nous interroger et en particulier ceux qui déclarent se battre contre l’extrême droite, car, dans le cas présent, c’est bien un tapis rouge qui est déroulé aux populisme, leur offrant sur un plateau d’argent, la possibilité de cracher leur venin sur le milieu universitaire et plus largement de tout ce qu’ils qualifient comme des « élites ».

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