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Emeutes urbaines: Deux France face à face ? Seconde partie

Et maintenant ?

Dans l’article précédent, nous avons constaté qu’il existe des problèmes indiscutables au sein de la police, mais qu’ils ne sont peut-être pas ceux que l’extrême gauche perçoit. Nos policiers sont victimes de violence constantes, et particulièrement fortes depuis que la violence envers ceux-ci semble se banaliser. Certains dérapent, et rien ne l’excuse, mais soyons clairs : il est très facile d’être assis dans un fauteuil et de donner des leçons à des personnes confrontés au pire de la société, quotidiennement et il est surtout très dérangeant d’omettre que cet adolescent, malheureusement mort, n’en n’était pas à son premier coup. La violence envers les élus et les policiers, sont le symbole même des émeutes que nous connaissons, les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 600 policiers blessés en quelques jours. Alors que des accalmies semblent apparaître, se pose une question : et maintenant ? Que fait-on ? Nul ne sait si nous allons observer un regain de tensions les nuits qui viennent, espérons que non. Une chose est en revanche sûre : nous ne pourrons pas oublier ce qu’il s’est passé. La première des priorités doit être le retour à l’ordre mais aussi la garantie de ce maintien et la seconde doit être d’interroger notre politique de la ville. Deux défis majeurs, pour éviter que ce qu’il s’est passé ne se reproduise.

Le retour à l’ordre, nécessité absolue

La nuit du dimanche 2 au lundi 3 juillet, a été marqué par une accalmie remarquable, peut-être le fruit d’une mobilisation exceptionnelle, et, elle aussi remarquable, des forces de l’ordre. Néanmoins, une chose est sûre, le pays a des séquelles de ces quelques jours marqués par des violences extrêmes : des commerces pillés, des écoles saccagées ou brûlées, des policiers blessés. Il est trop tard pour jouer les météorologues de la veille et bien avisés ceux qui prétendent qu’il aurait été possible de faire mieux et d’éviter ce qu’il s’est passé. Il est néanmoins primordial de se poser plusieurs questions : premièrement, est-ce que l’accalmie que nous connaissons ne serait pas le fruit des interpellations très nombreuses (3100) ? Dans ce cas, que va-t-il advenir de toutes les personnes arrêtés ? Il est évident, qu’il ne seront pas tous envoyés en prison et qu’ils ne pourront pas tous avoir un bracelet électronique ou être assignés à des TIG. Il est ainsi essentiel de déterminer si nous avons la garantie, qu’une fois libérés, ces individus ne retourneront pas brûler des voitures. Il est aussi essentiel de savoir si la France a la capacité de mobiliser, chaque soir, un dispositif exceptionnel de 45 000 agents, il est évident que cela risque d’être très compliqué, puisque ceux-ci sont fatigués, de ce qu’ils côtoient au quotidien et de l’enfer nocturne qu’ils vivent depuis bientôt une semaine. Si les émeutes semblent prendre le pas, il faut toujours conserver une vigilance maximale et ne pas crier victoire trop vite, continuer les mesures restrictives : couvre-feux, fermeture des transports dans la nuit et si nécessaire, aller encore plus loin : la question du blocage des réseaux sociaux, mériterait d’être posée.

La question du retour à l’ordre sur le long terme doit également se poser : nous avons été confrontés, durant ces quelques soirs, à des violences inouïes, qui pour beaucoup ont été causées par des mineurs, parfois très jeunes, 12-13 ans.  Cela montre un véritable problème d’éducation au sein du pays et la nécessité de repenser la justice des mineurs. L’expression « taper au portefeuille des parents » doit devenir réelle, mais il faut le faire intelligemment. Supprimer les allocations familiales, est une solution souvent proposée à la droite et l’extrême droite, si celle-ci peut paraître intelligente à première vue, elle ne serait que désastreuse en premiers lieux dans le cas de familles nombreuses, où les frères et sœurs, innocents, subiraient aussi les conséquences, de plus, il est évident que supprimer purement les ressources financières des familles pourrait aggraver leurs situations sociales. En revanche, il est nécessaire d’avoir ce discours de vérité qui est celui de la responsabilisation des parents, et pour cela, il existe déjà des mesures : notamment la mise sous tutelle des prestations familiales. C’est une solution équilibrée : ferme mais pas simpliste, pourquoi ne pas la généraliser à l’ensemble des familles de mineurs qui ont été interpellés ? Une chose est sûre, nous l’avons vu, l’excuse type : «Nous avons des délinquants à gérer mais nous sommes incapables d’appliquer les peines » ne doit plus être entendable. Sur les plus de 3000 interpellations, combien seront réellement condamnés ? L’excuse ne doit plus être la réponse à tout.

Repenser la politique de la ville

Néanmoins, il est évident que le plus gros dossier que soulève ces émeutes, c’est le manque d’efficacité de notre politique de la ville. La question, aujourd’hui, ne devrait pas être de débloquer une enveloppe encore plus élevée, mais bien de réorienter les fonds déjà alloués. Ce n’est plus seulement de rénovation urbaine dont il faut parler, au contraire, il faudrait plutôt recentrer ces milliards d’euros sur les personnes. Un plan banlieue, couramment appelé « Plan Borloo » avait été présenté par l’ancien ministre de la ville, Jean-Louis Borloo. Emmanuel Macron avait, de manière assez méprisante, refusé totalement d’appliquer ce plan en prétendant : « Qu’un plan négocié entre deux mâles blancs, n’aurait aucun sens », des propos qui auraient pu directement sortir de la bouche de Sandrine Rousseau… La réalité, c’est que ce plan comportait des mesures, qui, elles avaient le mérite d’être réellement innovantes et de sortir de la facilité qui consiste à donner encore plus de milliards dans des CCAS ou de la rénovation urbaine, sans savoir ce qu’on en fait. Il serait urgent de mettre en application les mesures préconisées par ce rapport, du moins une partie, parmi elles :

  • La création de 200 campus numériques, visant notamment, à ouvrir des formations numériques, pour les habitants de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
  • La création d’une grande école ouverte aux habitants des QPV, visant à offrir des opportunités similaires aux fonctionnaires stagiaires de l’INSP (ex-ENA)
  • Le renforcement des moyens et des effectifs visant à assurer la tranquillité publique, avec notamment la création de postes de « correspondants de nuit », chargés de faire le lien avec la police municipale.
  • Une réforme de l’agence nationale de rénovation urbaine, pour la rendre moins bureaucratique
  • La généralisation des cités éducatives : la création de communautés éducatives, autour des établissements scolaires, avec la présence d’associations, d’équipements sportifs, des lieux culturels, des services publics.

Ces mesures avaient le mérite de promouvoir une politique de rupture avec ce qui a été fait pour les banlieues pendant des années.

L’essentiel devrait être aussi de réformer la politique du logement, et plus particulièrement du logement social. Longtemps, il a été considéré que la solution à la crise du logement, est la construction de HLM, or, nous voyons que ce n’est pas le cas. La politique du logement actuelle favorise la ghettoïsation : comment espérer une mixité sociale, dans des communes où le taux de logement social est parfois supérieur à 50 %. La politique du plafond de logements sociaux à 40 % comme le proposent Les Républicains, ne peut pas être une solution, puisque difficilement réalisable en l’état, mais devrait être appliquée pour toutes les communes dont le taux est inférieur à 40 %.

De même, c’est l’attribution même des logements sociaux, qui devraient changer, avec des critères objectifs : un permis à points devrait mis en place pour tous les logements sociaux, comme c’est déjà le cas en Belgique, prenant en compte le patrimoine (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui) et donnant une priorité aux personnes ayant un emploi ou les femmes seules.  Les mesures d’expulsion de HLM pour des troubles au voisinage devraient être aussi plus sérieusement appliquées. Au niveau du logement social, il est assez aberrant de constater qu’il est obligatoire de demander une autorisation préalable préfectorale pour acheter son logement social, pour un locataire. Il est aussi essentiel de détruire les barres d’immeubles, évidemment, en proposant des solutions de relogement à tous les habitants.  Aujourd’hui, le choix de certaines collectivités (comme Bordeaux) font le choix inverse : rénover des barres d’immeubles, en occultant le fait que ces édifices sont des ghettos urbains.  Pour avoir plus de mixité sociale, une part des logements sociaux devraient aussi être transformés en logements intermédiaires. C’est un ensemble de mesures incitatives qui doivent permettre de favoriser la mixité sociale, et notamment inciter les classes moyennes à aller vivre dans des quartiers difficiles, néanmoins, cela ne sera pas possible sans une vraie politique de rétablissement de la sécurité publique. De même, imposer la mixité sociale, comme le fait la loi SRU aux communes (avec un taux à 25 % de logements sociaux) est une aberration : premièrement, la majorité des communes qui ne construisent pas 25 % de logements sociaux n’en n’ont tout simplement pas la capacité : c’est rarement une question de volonté, souvent, il s’agit de communes aisées ou de communes rurales, pour autant, l’Etat, continue, chaque année, de leur mettre des amendes. Il serait donc bon de supprimer purement et simplement, le quota minimum de 25 % de logements sociaux, pour les zones non-tendues.

Clientélisme

 Néanmoins, au risque de me répéter, la mixité sociale est indispensable si nous voulons justement éviter ces scènes que nous avons pu constater : une France des banlieues, contre une France plus aisée et des quartiers difficiles dans lesquels nous laissons grandir une haine de la France. A cela, la gauche et l’extrême gauche opèrent un discours victimaire : les populations des quartiers seraient discriminées, dans la précarité, violentées, abandonnées, et exprimeraient ceci dans la violence. Ce discours est profondément choquant et montre très clairement le virage communautariste et clientéliste de la NUPES, car, dans ceux qui ont brûlé des voitures et des commissariats, il y a une partie de leurs électeurs. La France Insoumise, particulièrement, n’a cessé de poser en victime les musulmans, et plus largement les populations immigrées, seraient discriminées en permanence par l’Etat et la police. Une partie de l’extrême gauche, en viendrait presque à justifier la haine de la France, qui réside dans les quartiers, au travers de populations étrangères, en raison du passé colonial de la France. Au fond, une part des immigrés, ne se sentirait pas français, parce-que ce serait la France serait un pays raciste et discriminant et qui, en plus, de cela, les laisse dans la pauvreté. De même, la France devrait payer pour son passé. Ce discours, de culpabilisation et d’approximation historique est extrêmement dangereux.

Premièrement, jusqu’à preuve du contraire, la plus grande précarité française, ne se situe pas dans les banlieues, mais bien dans les zones rurales, des territoires souvent abandonnés des services publics. Pour autant, nous n’entendons que rarement des faits d’actualité citant des tirs de mortiers ou des voitures brûlées dans ces territoires. De même, il est évident que la France doit reconnaître les crimes qui ont été commis en Algérie, et il ne faut pas avoir honte de le dire : la colonisation a été un crime contre l’humanité. Je suis tout à fait favorable à ce que la guerre d’Algérie et les exactions, notamment la torture, commis durant cet événement entrent dans les programmes d’Histoire (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, du moins pour les cours d’Histoire du tronc commun). Pour autant, il est aussi bon de rappeler que l’Algérie est devenue indépendante il y a déjà plus de 60 ans. La France, ne peut pas s’excuser perpétuellement de son Histoire. La France d’aujourd’hui et les Français d’aujourd’hui ne sont pas responsables de ce qu’il s’est passé en Algérie durant la période de colonisation. Comme l’a pourtant, et si bien dit, Emmanuel Macron, une partie du peuple Algérien et l’Etat Algérien lui-même, vivent sur une rente mémorielle : la haine de la France s’expliquerait par son passé colonial. Tout comme il viendrait à l’idée de personne de reprocher aux Allemands actuels la Shoah, la France et les Français n’ont pas à payer pour le passé. Pour autant, c’est un discours qui revient chez une partie de la communauté étrangère : il faut faire payer la France pour son passé !

Troisièmement et enfin, le prétendu racisme institutionnel et la prétendue discrimination de la France à l’encontre des étrangers est tout de même à nuancer très fortement ! Ne pas oublier que la mort de jeunes étrangers causée par un policier, reste extrêmement minoritaire. De même, le problème dans l’affaire de la mort de Nahel Merzouk (puisque cela a été l’élément déclencheur), n’était pas le fait qu’il ait été étranger, en aucun cas ce n’était un contrôle au faciès :il roulait sur une voie de bus et avait grillé tous les feux rouges : un blanc, un asiatique, un bouddhiste, un esquimau, aurait fait pareil, il aurait été contrôlé de la même manière ! Ce n’est pas du racisme, c’est de la sécurité ! Ne pas oublier également que l’Etat dépense beaucoup de son budget public dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.  En revanche, il est évident que la ghettoïsation des étrangers, a favorisé l’émergence d’un discours anti-France, mais ne pas oublier que ceci a été la conséquence directe de la politique migratoire menée par François Mitterrand. La population Arabe en France, n’est pas un bouc-émissaire, au contraire, une grande majorité des migrants sont intégrés et travaillent, mais cela demande la volonté et le goût de l’effort, ce qui n’est pas le cas de tous.

Néanmoins, cette montée de la haine à l’égard de la France, devrait faire réfléchir : peut-on accepter que des populations accueillies  et étrangères, véhiculent un discours de haine à l’égard de leur hôte ? Néanmoins, appliquer des mesures fortes en matière de politique de la ville, restaurer l’ordre public et arrêter la victimisation de certaines populations devrait une priorité. Les scènes que nous avons connues ces derniers jours, sont inquiétantes et donnent l’impression d’avoir Deux France, face à face. Le risque à ne pas s’atteler à la tâche de la restauration de la cohésion sociale, pourrait être grave et en l’occurrence, créer une réelle stigmatisation des populations étrangères par l’incapacité de l’Etat à se faire respecter, et donc, inévitablement, engendrer une victoire du Rassemblement National, qui serait une catastrophe.

   Ce qu’il s’est passé ces derniers jours devrait tous nous interroger, les pouvoirs publics en premier. Rappelons-le, ce que nous avons vécu a été beaucoup plus violent que les émeutes de 2005. Le gouvernement n’a plus le droit à l’erreur, faire comme si rien n’était arrivé, c’est prendre le risque que cela recommence, et surtout, prendre le risque de faire monter le populisme, de droite comme de gauche.

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