Economie

Fonction publique :  La réforme nécessaire, et pas impopulaire !

Lors de son interview en Décembre 2021, durant laquelle Emmanuel Macron a fait un joli numéro de claquettes, en tentant, tant bien que mal, de mettre en valeur son bilan quasi-insignifiant, Emmanuel Macron a prononcé plusieurs phrases sur les fonctionnaires, qui illustrent, sans ambiguïté, le virage très à gauche du futur candidat : « On parle de femmes et d’hommes, expliquer que le destin de l’État, c’est de les sabrer comme si c’étaient des petits bâtonnets, je trouve ça toujours étrange », en ajoutant également : « Mais ce n’est pas vrai que le cœur des économies à l’échelle de cinq ou dix ans sera dans la réduction du nombre des fonctionnaires », en effet, il se fera dans la réduction des effectifs publics, mais aussi dans la réforme des retraites, de l’assurance-chômage, du code du travail, de l’organisation territoriale, de l’Etat… Bref tout ce qu’il n’a pas fait en 5 ans ! Emmanuel Macron affirme très clairement qu’il n’est pas gêné par le fait qu’un pays comme la France compte 6 millions de fonctionnaires.  

Le véritable problème, c’est que pour s’attaquer aux effectifs de la fonction publique, il faut déjà s’attaquer au statut de la fonction publique, il faut recourir plus massivement aux contractuels. Ensuite, une fois ceci fait, nous pourrons supprimer des effectifs. C’est justement pour cela, que les Républicains proposent, et c’est très intelligent, de sortir progressivement de l’emploi à vie, sauf pour les fonctions régaliennes.

La loi TFP

Il faut, une réforme structurelle de la fonction publique. En 2019, le gouvernement a fait passer une pseudo-réforme, nommée loi TFP (transformation de la fonction publique), mais qui, dans les faits, ne change pas grand-chose.

  • L’élargissement du recours aux contractuels, lorsque les besoins le justifient pour les catégories A et B (et non plus uniquement C) (tout un tas de dérogations)
  • La création d’un « contrat de projet » de 6 ans (qui prend fin à la date de réalisation du projet convenu lors de la signature du contrat)
  • Un plan de départ volontaire
  • La fusion des instances représentatives du personnel
  • La possibilité de conclure des accords collectifs
  • Harmonisation du temps de travail (la mise en place des 35 heures dans toute la fonction publique)
  • La création de la rupture conventionnelle dans la fonction publique

Ces mesures sont toutes de bonnes mesures, mais elles sont toutes très largement insuffisantes. La loi TFP ne répond pas aux besoins essentiels que sont ceux d’avoir une fonction publique plus flexible et moins chère.  Le parti les républicains, préconise de supprimer le statut de la fonction publique pour les nouveaux embauchés (à l’exception des professions régaliennes), c’est une proposition qui mérite d’être débattue, il s’agit en tous cas du seul parti qui a le mérite de mettre le doigt sur le problème fondamental de notre fonction publique qui est celui d’un statut qui n’est plus adapté aux enjeux contemporains.

Petit rappel

Pour rappel, le statut de la fonction publique, est le titre attribué à la grande majorité des agents de la fonction publique, celui-ci a deux particularités : il offre un emploi à vie, un régime spécifique à la sécurité sociale… Les différents fonctionnaires sont répartis dans différents corps (statuts et grilles de salaires précis pour chaque corps).  En parallèle, il existe des contractuels, qui représentent environ 20 % des emplois publics. La plupart sont en CDD,( quoique la loi TFP a entre-autres mis en œuvre une portabilité des CDI dans les trois fonctions publiques), ils sont donc recrutés sur contrat, le droit du travail s’applique pour ceux-ci. Pour les syndicats le statut de contractuel serait synonyme de grande précarité. En réalité, il faut dire la vérité, ce que craignent les syndicats par-dessus tout, c’est de perdre ce fameux statut auquel ils sont tant attachés, et donc de ne plus bénéficier de ce fameux « emploi à vie ».

Aujourd’hui, la France est un des rares pays avec un tel taux de fonctionnaires titularisés (environ 80 % en France) et avec un statut général des fonctionnaires garanti à vie.

Aujourd’hui, la France est un des rares pays avec un tel taux de fonctionnaires titularisés (environ 80 % en France) et avec un statut général des fonctionnaires garanti à vie.

La loi TFP n’a pas eu l’effet escompté, preuve en est que les manifestations ont été quasi-inexistantes, quand les syndicats ne manifestent pas, c’est qu’il y a un loup…

La vérité est assez simple, la mesure phare de ce projet de loi, c’est l’élargissement du recours aux contractuels. Néanmoins, il est important de savoir une chose,  c’est que la plupart des contractuels sont titularisés de manière quasi-automatique depuis la loi Sauvadet de 2012. Tant que cette loi n’aura pas été changée, même si l’Etat décidait d’embaucher 100 % de contractuels, dans quelques années, ceux-ci seront tous titularisés.  Il est donc impératif de revenir sur cette loi, et de mettre fin à la quasi-automaticité  de la titularisation.

 De plus, cette loi va avoir un impact indéniable sur l’embauche de contractuels qui va évoluer à la hausse, mais celle-ci ne sera significative. Les règles qui permettent aux employeurs publics de recruter sur contrat sont extrêmement complexes, il ne s’agit que de règles dérogatoires. Il n’est possible de recruter sur contrat que s’il n’a pas été trouvé de poste équivalent sous statut. Ce qu’il faut, c’est que l’embauche de contractuels ne soit, non plus dérogatoire au statut, mais complémentaire, chaque poste doit être accessible autant aux contractuels qu’aux titulaires.   En contrepartie, pour lutter contre la précarité, nous pourrions étendre la prime de précarité, aujourd’hui réservées aux contrats de moins d’1 an, à tous les CDD contractuels.

En parallèle, il faut aborder un sujet qui n’est pas du tout abordé par la loi TFP, c’est celui du statut. Il ne faut pas supprimer le statut mais le réformer profondément. Il faut conditionner l’emploi à vie à des obligations de mobilité des fonctionnaires. Cette mobilité doit être également accrue en réduisant drastiquement le nombre de corps de la fonction publique. L’Etat doit également inciter fortement les collectivités territoriales à réduire leurs effectifs en jouant sur les dotations. Les concours sur titre doivent être également généralisés (sélection des candidats sur leur dossier). Le mérite doit également être davantage reconnu, les fonctionnaires souffrent aujourd’hui, du manque cruel de promotions ou de mobilité, en supprimant notamment l’avancement à l’ancienneté au profit d’un avancement au mérite.

En parallèle, il faut aller beaucoup plus loin que le gouvernement en matière de dialogue social, celui-ci a pris deux mesures : la simplification des instances représentatives du personnel et la possibilité de conclure des accords collectifs au niveau local et national. La première mesure ne va pas assez loin, elle ne regroupe qu’une partie des IRP au sein du comité social, il faut fusionner le plus d’instances possibles, par exemple la commission administrative partiaire et la commission consultative paritaire, l’une représente les titulaires, l’autre les contractuels : pourquoi ?  Les fonctionnaires et les contractuels travaillent au même endroit et se côtoient au quotidien, il paraît évident qu’ils soient représentés de la même manière. C’est comme si dans le privé, il existait une instance représentative pour les employés, une autre pour les agents de maîtrise, une autre pour les cadres… Ce serait ingérable.

De plus, si le gouvernement a pris le choix de booster le dialogue social au sein de la fonction publique en laissant la possibilité aux partenaires sociaux de conclure des accords collectifs au niveau local et national, en réalité, ce seront seulement des accords au niveau national qui seront entrepris, pour deux raisons. La première, c’est que sur les 15 thèmes possiblement négociables, 1 d’entre eux et pas n’importe lequel, ne peut être négocié au niveau local : la rémunération. Ce qui signifie que la rémunération des fonctionnaires en peut être pensée qu’au niveau national. Il est donc urgent de faire en sorte que le point d’indice puisse être décentralisé et négocié au niveau local. Le deuxième problème de ces accords collectifs est qu’un principe de faveur s’applique, un accord pris au niveau local ne peut être moins favorable qu’un accord pris au niveau national. Logiquement, il n’y aura aucun intérêt à négocier au niveau local.

La réforme

La réforme

Il est donc urgent de mettre en place une réelle réforme de la fonction publique qui refonde le statut aujourd’hui anachronique,  il faut élargir le recours aux contractuels, décentraliser le dialogue social, mais aussi, offrir de réelles perspectives d’évolution aux fonctionnaires, cela ne peut que les motiver. Une fois ceci fait, il faudra se poser la question des effectifs, car oui, aujourd’hui en France, l’administration administrante est trop importante. Le meilleur exemple demeure la crise de la Covid-19, tous les politiques disent « C’est scandaleux, on ferme des lits tous les ans », la réalité, c’est que les effectifs dans les hôpitaux sont très mal répartis, trop de postes administratifs et pas suffisamment de personnel qui administre des soins. Il est donc urgent de mieux répartir les effectifs, et ce, pour toute la fonction publique : moins de postes dans les bureaux, plus sur le terrain.

Une réforme telle a longtemps été rejetée par les politiques, anticipant l’éventuelle impopularité de cette réforme. Pour autant, mis à part la fonction publique, la population est, en grande majorité, demandeuse d’une véritable réforme de la fonction publique, selon Opinionway : 57 % des français sont favorables à une réforme du statut de la fonction publique ; Selon Harris Interactive, 63 % des français sont favorables à la fin de l’emploi à vie. Oui une réforme est possible, et est en plus indispensable.

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